Église Saint Louis, Patrimoine (très atypique) du XXe siècle

20 Chemin de Saint-Louis au Rove, 13015 Marseille
2800
Cette très étonnante et méconnue église inaugurée en 1935 est signée de l’architecte Jean-Louis Sourdeau. Les sculptures, en taille directe dans le béton, en 6 heures de temps seulement sont l’œuvre de Carlo Sarrabezolles. Implantée à l’époque au cœur d’un quartier industriel, l’église St Louis fut la 1ère en France à avoir été confiée à 5 prêtres ouvriers. L’église dans sa totalité est inscrite au titre des monuments historiques en 1989, labellisée « Patrimoine du XXe siècle ». Autre curiosité, la cave de l’église cacherait un théâtre et un ring de boxe !

Une première église paroissiale datant du xviiie siècle est construite dans le quartier Saint-Louis en bordure de l’actuelle Avenue de Saint-Louis. D’une superficie de 480 m², elle était située à l’emplacement de l’actuelle place Charles Susini et pouvait accueillir 300 fidèles. Après la Première Guerre mondiale cette capacité s’est avérée insuffisante par suite du développement industriel (savonnerie, raffinage du sucre, minoterie etc.) des quartiers Nords de Marseille. Le quartier Saint Louis doit en effet son appellation à l’installation en 1866 de l’usine Saint-Louis Sucre. Non loin de là se trouvaient également les fabriques de la réglisserie Car ou encore les huileries Rocca, Tassy & de Roux et ses 1800 employés produisant la célèbre Végétaline.

Le nouvel évêque de Marseille Maurice-Louis Dubourg consacré en février 1929 constate que les catholiques sont perdus au milieu d’une masse populaire indifférente et souhaite relancer la pratique religieuse.

Pour cela il nomme l’abbé Gabriel Pourtal à la paroisse Saint-Louis et le charge de créer une nouvelle église de 900 places et de trouver un terrain pouvant accueillir le nouvel édifice. Une paroissienne offre en 1932 un terrain de 1 100 m² en forme de pentagone irrégulier et cerné à cette époque par des constructions industrielles. La construction de l’église est confiée en décembre 1933 à l’architecte Jean-Louis Sourdeau dont le travail n’est pas facilité par ce terrain aux formes irrégulières qui empêchent une édification classique en forme de croix latine. Grâce à un projet ambitieux et atypique, l’architecte arrive à utiliser la quasi totalité de la parcelle. Ce quartier hérita ainsi en 1935 d’une insolite et méconnue église aux allures de mosquée Sainte Sophie, pensée pour sa classe laborieuse et confiée pour la première fois en France à 5 prêtres ouvriers. L’imposante architecture de cette église labellisée « patrimoine du XXe siècle », la seule à Marseille de style moderne, détonne dans ce paysage urbain constitué de petits immeubles modestes.

Ce projet atypique, le premier édifice en ossature métallique avec enrobage béton, est né de l’imagination de l’abbé Pourtal et des plans du marseillais Jean-Louis Sourdeau.

Le mouvement du Bauhaus cette école architecturale à Weimar puis à Berlin, dans les années 20, visa à intégrer la fonction de l’architecture à la civilisation industrielle, aux autres arts majeurs et à l’artisanat. L’église St Louis, construite en 1935, en est un témoignage par l’utilisation du béton : inventé en Suisse vers 1850, il ne fut utilisé dans la construction d’un immeuble à Paris qu’en 1900. L’architecte Jean Sourdeau en fit son matériau de base à St Louis. L’église se compose d’une tour-clocher, d’une nef surmontée d’une coupole, d’un narthex et d’une chapelle anciennement dédiée à la Vierge. Carlo Sarrabezolles est l’inventeur d’un procédé permettant une réalisation rapide et à moindre coût d’œuvres monumentales grâce à la taille directe dans le béton frais. Il réalise ainsi en 6 heures de temps l’archange Gabriel de 9 mètres de haut au sommet du clocher et un Christ en croix encadré de part et d’autre par deux anges sur la façade principale.

L’entrée principale se situe au pied de la tour carré supportant le clocher également carré mais positionné dans un axe à 45° par rapport à celui de la tour. Au dessus de la porte figure un chrisme en béton ajouré placé dans une ouverture circulaire.

Au sommet du clocher l’archange Gabriel brandit la couronne d’épines. La façade principale sur le chemin de Saint-Louis au Rove est la seule à comporter un décor sculpté. Elle se compose de trois panneaux verticaux séparés par de pilastres. Le panneau central, le plus haut, est décoré par un immense Christ en croix réalisé en très haut relief, d’une hauteur de 6,5 m. Sous le crucifix se trouve l’inscription en français et non en latin « L’amour est plus fort que la mort ». Les panneaux latéraux sont décorés dans leur partie haute d’un bas-relief représentant deux anges et dans leur partie basse d’un vitrail en pavés de verre (voir paragraphe les vitraux). La nef de l’église est recouverte d’une coupole supportée par un tambour circulaire de 21 mètres de diamètre en béton armé.et de 50 cm. d’épaisseur. Dans ce tambour sont pratiquées quarante ouvertures circulaires permettant l’éclairage de la nef. Dans ces ouvertures des rosaces sont décorées par une simple lettre de l’alphabet dont l’ensemble forme le début d’un hymne religieux : « gloria in excelsis deo et in terra pax » (Gloire à Dieu au plus haut des cieux et paix sur la terre).

Mais c’est à l’intérieur de l’édifice qu’on ressent toute sa vocation à s’adresser à la main d’œuvre de culture chrétienne du quartier, immigrée d’Espagne, d’Italie, d’Arménie ou encore du Portugal.

L’intérieur qui ne devait à l’origine ne comporter aucune statue s’est enrichi de deux sculptures : une Vierge à l’enfant en plâtre dans le narthex et une stèle en marbre blanc représentant sainte Fortunée dans une niche-chapelle de la nef. La statue de la Vierge, conçue pour la cérémonie de bénédiction du terrain qui a eu lieu le 15 octobre 1933, a été réalisée par le sculpteur-mouleur François Carli. La stèle, représentant Fortunée tenant la palme des martyres avec à ses pieds un lion endormi, a été réalisée par Louis Botinelly. Le marbre d’un lissage parfait se détache sur un fond mosaïqué d’or.

Le chemin de croix de l’église

Il est l’œuvre du peintre Jacques Martin-Ferrières, fils d’ Henri Martin. L’artiste réalise en un mois et demi une frise de un mètre de hauteur comportant cinq panneaux représentant les traditionnelles quatorze stations du chemin de croix. Il utilise pour cela la technique de la fresque. La répartition des stations est la suivante :

Panneau 1 : stations I à IV (Jésus est condamné à mort ; Jésus est chargé de sa croix ; Jésus tombe pour la première fois ; Jésus rencontre sa mère
Panneau 2 : station V (Simon de Cyrène aide Jésus à porter sa croix)
panneau 3 : station VI (Sainte Véronique essuie le visage de Jésus)
Panneau 4 : stations VII à X (Jésus tombe pour la deuxième fois ; Jésus console les filles d’Israël ; Jésus tombe pour la troisième fois ; Jésus est dépouillé de ses vêtements)
Panneau 5 : stations XI à XIV (Jésus est cloué sur la croix ; Jésus meurt sur la croix ; Jésus est descendu de la croix ; Jésus est mis au tombeau.

Ce chemin de croix a été exposé à plusieurs phénomènes d’altération notamment des infiltration d’eau pluviale, qui ont provoqué de nombreuses dégradations avec soulèvement et décoloration de la couche picturale. Une restauration a pu être effectuée en 2016.

Les vitraux

Le narthex abrite six vitraux, du maitre verrier Pierre Dandeleux, insérés dans des ouvertures rectangulaires où sont représentés : Martin de Porrès, Jeanne d’Arc sur le bûcher, Vincent de Paul protégeant un enfant, Saint Louis représenté nimbé tenant sur sa poitrine la couronne d’épines, l’archange saint Michel et Antoine Chevrier (prêtre français fondateur de l’Institut du Prado et reconnu bienheureux par l’Église catholique).

Dans l’église se trouvent également huit verrières consacrées à l’histoire de roi de France Saint-Louis et réalisées en pavés de verre de formes et de couleurs variées. Cette technique a été inventée en 1929 sous le nom de « mosaïque transparente » par le maître verrier Jean Gaudin qui la met en œuvre pour les rosaces de l’église Notre-Dame de Rocquigny. D’un style épuré, ces verrières sont placées dans deux types d’ouverture : six rosaces de 3 mètres de diamètre et deux panneaux rectangulaire de 2.10 mètres de haut et de 2.80 mètres de large, chaque panneau étant divisé en trois parties égales séparées par des meneaux en béton armé.

Les deux panneaux placés dans la partie basse de l’ancienne Chapelle de la Vierge, représentent :

  • une figuration symbolique de la piété des marins avec un bateau à voile et l’inscription « Stella Maris » (étoile des mers).
  • une dédicace à la Vierge Marie avec un M surmonté d’une croix et l’inscription « Salve Regina » (Salut Marie).

Les six rosaces sont réparties de la façon suivante :

  • une dans l’ancienne chapelle de la Vierge placée juste en dessous de la grande croix de la façade principale, avec l’inscription Sion (Jérusalem) et une représentation des murailles blanches de la ville surmontée d’une croix de Jérusalem.

 

  • trois dans le narthex représentant de gauche à droite :
    • les symboles de la royauté avec un globe surmonté d’une croix, une épée et un sceptre entrecroisés, le tout surmonté d’une couronne ;
    • un bateau surmonté d’une croix avec l’inscription « Tunis », ville où est mort Saint Louis ;
    • la devise des rois de France à savoir : « Montjoie ! Sant Denis ! ».
  • Une au-dessus du bas relief de Sainte Fortunée représentant la couronne d’épines
  • Une en face de la précédente représentant les bateaux de la croisade.

Les peintres ouvriers sont auteurs de deux surprenants agrandissements d’illustrations de calendriers de la jeunesse ouvrière chrétienne, réalisée par des affichistes de cinéma de la ville. Elles rappellent le style de la propagande marxiste, très influentes à l’époque dans les usines voisines.

La peinture de la Ste Trinité, dans le baptistère, par la colombienne Maria del Carmen Villaveces est une œuvre pleine de couleurs, symbole synthétique de toutes les populations qui peuplaient le quartier.


SOURCES Wikipédia Eglise Saint Louis de Marseille  & marseille.catholique.fr
PHOTOS Dominique Milherou Tourisme-Marseille.com & cartes postales anciennes
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