« Rien dans le parcours de cette jeune femme de la haute bourgeoisie, élevée au couvent des Oiseaux et pianiste avertie, ne préfigure un tel destin », écrivait l’historien Max Lagarrigue. Née à Marseille le 8 novembre 1909 sous le nom de Marie-Madeleine Bridou, elle est mariée avant sa majorité au futur colonel Édouard Méric. C’est sous ce nom qu’elle apparaît dans les documents de la Seconde Guerre mondiale. Elle prendra le nom de Fourcade en 1947 après son remariage, nom sous lequel elle publiera ses souvenirs en 1968. « Mariée avant sa majorité à un officier, elle prend rapidement sa liberté. Menant dès lors une vie très indépendante, elle travaille comme journaliste et collabore avec l’écrivain Colette à une émission de radio parisienne », indique Max Lagarrigue. Mère de deux enfants, un fils né en 1929, et une fille née en 1932, la jeune mère de famille confie ses enfants à leur grand-mère par l’intermédiaire d’un policier, Simon Cotoni (membre du réseau Alliance, puis du réseau Ajax). Le couple se sépare quand Edouard-Jean Méric se voit muté aux Affaires indigènes du Maroc. En 1936, elle rencontre deux camarades de son beau-frère, qui était officier supérieur : Charles de Gaulle et Georges Loustaunau-Lacau. Déjà chroniqueuse (de mode) à Radio-Cité, elle accepte une proposition de travail du second.
Elle est donc associée aux réseaux Corvignolles, puis elle est secrétaire de rédaction du groupe de publication nationaliste et antisémite qu’anime Loustaunau-Lacau (La Spirale et L’ordre national).
La défaite attire les déçus de l’armistice dans les rangs de la petite organisation. Selon Rémi Kauffer, si Loustanau-Lacau conserve une certaine sympathie, alors, pour Pétain, Marie-Madeleine Méric le voit surtout comme un ambitieux. Des officiers de marine comme Henri Schaerrer, Jean Boutron, Gabriel Rivière ou de l’aviation comme Léon Faye rejoignent ses rangs. Une liaison entre zone occupée et zone non occupée est mise en place. Le 14 avril 1941, Loustaunau rencontre les Britanniques au Portugal, en la personne de Kenneth Cohen (chef de la section française du MI6), alias Crane, et se lie au MI6. À la suite d’un coup fourré à Alger, Georges Loustaunau-Lacau est arrêté et emprisonné par la police française. Marie-Madeleine Méric prend alors, en juillet 1941, la tête du « réseau SR Alliance » par un simple télégramme radio à l’Intelligence Service. C’est sous le nom de code POZ 55, qu’elle prévient Londres de l’arrestation du No 1 du groupe Navarre. Dès lors, elle est « Hérisson » dans le réseau, et le commandant Léon Faye en est le chef militaire, et son plus fidèle adjoint. Et si rien ne fut facile à mettre en place, les Anglais eux-mêmes hésitant sur le positionnement à adopter vis-à-vis du régime de Vichy d’une part, et de ces mouvements de résistance d’autre part, elle relance une activité de renseignements, signalant, les ports, les bases de sous-marins, les aérodromes ennemis. Dans le Sud-ouest, Marie-Madeleine Méric s’appuie sur le commissaire Jean Philippe dit « Basset ».
Missions aériennes en pleine nuit avec la RAF, menées par le lieutenant Pierre Dallas (structure AVIA) et liaisons radios deviennent opérationnelles.
D’abord situé à Pau, le poste de commandement du réseau est transféré à Marseille. Il fut installé dans l’appartement de Pierre Berthomier au 355 de la Corniche. En surplomb se trouvait la villa “la Brise” qui abritait la centrale-renseignement. Le Bar Saint-Charles situé au pied du grand escalier servait de point de chute pour les agents. Missionnée par le MI6, elle organise l’opération Minerve, le 4 novembre 1942, sous le commandement de Léon Faye et du colonel Charles Bernis. Cette opération Minerve, c’est le départ en sous-marin (le HMS Seraph) depuis la plage du Lavandou, du général Giraud pour Gibraltar. Evadé de la forteresse de Königstein en avril, le général Henri Giraud est soutenu par Winston Churchill et Franklin Delano Roosevelt, qui espère ainsi disposer en Algérie d’un appui plus docile que Charles de Gaulle. De nuit, le transfert est fait. Le 7 novembre, Georges Loustaunau-Lacau s’évade après 16 mois d’internement et se cache à Toulouse. Le jour suivant, les Alliés débarquent en Afrique du Nord, et l’Amiral Darlan se rallie à eux.
La police française de Marseille fait une descente le 10 novembre 1942, dans les bureaux du réseau. Marie-Madeleine Méric (le nom de mariée de Marie-Madeleine Fourcade), Monique Boutinck dite « Hermine », estafette du parti communiste, et Ferdinand Rodriguez dit « Pie », le radio, s’échappent avec la complicité de policiers bienveillants. Le lendemain, les troupes allemandes envahissent la Zone libre.
Le 23, Faye, peu après son transfert, s’évade avec le Général Cochet de la prison de Toulouse. Loustaunau-Lacau est repris. Marie-Madeleine Fourcade doit désormais assurer seule la direction du réseau de résistance. Quelques jours plus tard, Le 27 novembre précisément, a lieu le sabordage de la flotte française à Toulon pour ne pas tomber entre les mains de l’occupant nazi. Le MI6 demande aussi au réseau de Marie-Madeleine de s’intéresser de près aux bases de lancement des V1, orientées vers Londres. Le réseau réussit également à faire pénétrer un de ses agents, Joël Lemoigne, dit «Triton», dans la base des U-Boote au sein de la base sous-marine de Lorient, transmettant ainsi des renseignements précieux à la Royal Navy. Le 16 juillet 1943, elle convoque les principaux responsables de secteur du réseau, rue Raynouard à Paris. Lors d’un vote à main levée avec les responsables de chacun des 17 secteurs géographiques, Paul Bernard est désigné comme chef du réseau en l’absence des chefs que sont Méric (Fourcade) et Faye.
Le 18 juillet 1943, elle s’envole pour l’Angleterre afin de rencontrer Sir Claude Dansey, le grand patron de l’Intelligence Service britannique. Elle y reste près d’un an confinée dans une maison de style très anglais, au 10 Carlyle Square. Le colonel Édouard Kauffmann prend la suite de Léon Faye, arrêté avant Paris, par la SIPO-SD de Dijon, le 16 septembre 1943, sur dénonciation d’un agent français de l’Abwehr, Jean-Paul Lien, alias Flandrin. Le 21, c’est au tour de Kauffamnn. Et les arrestations se poursuivent, près de 200. La perte de Léon Faye est un coup dur pour Marie-Madeleine, à tel point qu’elle tente de rentrer en France, malgré l’opposition du MI6 et de Dansey. C’est Paul Bernard qui prend la suite, imposé par les Britanniques. Pour des raisons de haute politique, les Anglais enjoignent au réseau de renseignements Alliance (SR L’ Alliance) de se rapprocher du BCRA (pro gaulliste) à partir de février-mars 1944, en accord avec André Manuel, numéro deux du service secret de la France Libre.
Le 17 mars 1944, c’est au tour de « Martinet », Paul Bernard, de tomber. Toujours retenue en Angleterre, Marie-Madeleine propose au MI6, Jean Roger, dit Sainteny, futur ministre du général de Gaulle, pour la suppléer. De cette longue période forcée en terre anglaise, Marie-Madeleine en retire une profonde vocation gaulliste. Elle rencontre le colonel Passy, et le général François d’Astier de La Vigerie. Elle rentre en France à la veille du débarquement de Provence des Alliés le 15 août 1944, afin de réorganiser le réseau décimé. Mais elle se fait prendre dans une rafle de la police française à sa planque d’Aix-en-Provence. Elle réussit finalement à s’évader. Son réseau continue à agir et à renseigner les alliés sur les défenses allemandes.
En 1958, en pleine crise institutionnelle sous la IVe république, elle mobilise avec André Astoux ses anciens compagnons de la Résistance et milite pour le retour du Général de Gaulle au pouvoir. Vice-présidente du Comité d’action de la Résistance, sous la Ve République, elle soutient par la suite, Dominique Ponchardier, Voltaire Ponchel ou Charles Pasqua. Elle préside le Comité d’action de la Résistance (C.A.R.) à partir de décembre 1962 ainsi que le jury d’honneur de Maurice Papon en 1981.
Remariée en 1947, le 20 novembre, avec Hubert Fourcade, elle a trois autres enfants. Vice-présidente de l’Union Internationale de la Résistance et de la Déportation depuis 1960 et de l’Association nationale des médaillés de la Résistance (depuis 1947), membre de la LICRA, Marie-Madeleine Fourcade est représentante à l’Assemblée des Communautés européennes (1981-1982) et préside en 1982 la Défense des intérêts de la France en Europe. Ses derniers combats concernent le règlement de la crise libanaise d’une part, et le procès Klaus Barbie à Lyon d’autre part.
Elle publie en 1968, sous le titre « L’Arche de Noé », ses souvenirs de résistance pendant la guerre. Elle est commandeur de la Légion d’honneur et titulaire de la médaille de la Résistance (avec rosette), croix de guerre française et belge, officier de l’ordre de l’Empire britannique et de l’ordre de Léopold. Elle est députée européenne entre 1980 et 1981. Marie-Madeleine Fourcade est décédée le 20 juillet 1989 à l’hôpital d’instruction des armées du Val-de-Grâce ; le gouvernement français et les derniers survivants du réseau lui rendent un hommage solennel le 26 juillet à l’occasion de ses obsèques en l’église Saint-Louis-des-Invalides et de son inhumation au cimetière du Père-Lachaise à Paris (division 90). La place Marie-Madeleine-Fourcade à Paris, lui rend hommage.