La ferme des Plaines de l’Arbois 1929 et le Camp de Calas 1944-1946

D60A, 13480 Cabriès
1694
C’est ici que progressivement jusqu’en 2029, sur 75 hectares de terres agricoles, que va s’implanter un incroyable projet de réhabilitation, éco-engagé, au cœur d’une ferme historique répartis en 11 bâtiments allant du 18ème siècle aux années 40. Un terrain ayant accueilli de 1944 à 1946 plus de 2 millions de soldats américains en transit et même Marlène Dietrich…Un immense domaine qui faisait partie des 3 sites retenus par Disney en France pour implanter son parc à thème ! Le lieu est volontairement mal situé sur le plan. Ce domaine est privé, gardé et interdit aux visiteurs, merci de respecter ce site et son propriétaire.

Vestiges d’une des porcheries avec sa voie ferrée intérieure

En 1929 Jean Gianotti, grand entrepreneur de travaux publics acquière cet immense domaine de 865 hectares d’un seul tenant alors composé de 2 fermes et d’un petit rendez-vous de chasse. Des bâtiments datant du 18ème siècle, toujours présents sur le site actuel. En 1932, il entreprend la construction de nombreux et étonnants bâtiments pour loger ses compagnons. Des créations peut-être réalisées avec le concours du célèbre architecte Gaston Castel, concepteur notamment du sanatorium du petit Arbois tout proche, lancé en 1934 sur un domaine de 76 hectares. Ce dont on est certains c’est que Jean Gianotti collaborera par la suite avec Castel en lui apportant son béton « maison » notamment sur le projet de l’Hôtel d’Arbois à Marseille en 1942 et d’autres établissements de luxe de la Côte d’Azur.

Mais revenons à la ferme, son propriétaire sera le premier à semi-industrialiser l’élevage du porc. L’exploitation accueillait dans un vacarme assourdissant plus de 9 000 bêtes, dont la nourriture circulait via un astucieux chemin de fer encore présent.

Les champs seront cultivés en cultures pérennes de vignes, d’amandiers et d’oliviers, ainsi qu’en cultures de blé. Durant l’entre deux guerres, période difficile, Jean Gianotti crée la ferme agricole modèle des Bouches-du-Rhône, et lorsque la réussite s’ensuit, elle sera jugée selon son arrière petit fils « comme le résultat d’une éthique fondée sur des valeurs d’effort, d’esprit de sacrifice et de solidarité ».

Chacun des 11 pavillons avait sa fonction…porcheries, bergerie avec son domicile à l’étage, menuiserie, chais à vin, moulin à farine pour l’alimentation animale, maison du propriétaire…

Le cinéma en plein air

Selon le Musée de la résistance en ligne, de 1944 à 1946 le Camp militaire de Calas, camp de transit n°1, s’installe alors telle une ville champignon (la 18ème plus grande de France à cette époque) sur ce domaine des Plaines d’Arbois et sert de base d’entraînements militaires où plus de 2 millions de soldats Américains se retrouveront pour libérer la France et le Pacifique. Dès les lendemains de la libération de la région marseillaise, ce camp de Calas est aménagé autour d’une voie principale, baptisée la Tokyo Road  (60 kms de rues au total), pour pouvoir accueillir les troupes américaines en transit, qui rejoignent le front ou en reviennent. En effet, la cité phocéenne et son port ont une fonction stratégique pour les Alliés, car ils permettent l’acheminement d’hommes et de matériels pour alimenter la progression des troupes alliées vers le Nord et l’Allemagne. Cette mission logistique est confiée à la Delta Base Section qui, dirigée par le général John P. Rathay, regroupe des installations et bâtiments divers pour assurer notamment l’intendance, le stationnement et le ravitaillement des troupes alliées.

Le complexe du camp de Calas, nommé Staging Area, est ainsi créé, à vingt kilomètres au nord de Marseille, non loin du réservoir du Réaltor fondé en 1869. Il pouvait stocker plus de 4 millions de mètres cube d’eau sur 80 hectares.

Ce terrain aride à la roche calcaire avait cependant de nombreux atouts, il était vaste, à proximité d’un port, d’un réseau routier et ferroviaire et d’un aérodrome capable de faire atterrir des gros avions. Fin 1944 et début 1945, des troupes britanniques y sont également stationnées. Parallèlement un camp de prisonniers de guerre était mis en place au sud de la RD9 sous le nom de Continental Central Prisoner of War Enclosure number 404 (CCPWE 404), d’une capacité 25 000 hommes environ. Le camp est un complexe immense, d’une capacité d’accueil de 100 000 hommes, où ont été montées 5 000 tentes réparties en bloc puis, à partir de janvier 1945, des baraquements et édifices en dur.

Plusieurs installations sont donc progressivement aménagées, comme 62 établissements de bains douches, 3 bureaux de poste, 17 dispensaires, une station de radio, 12 banques, mais également des équipements pour occuper et distraire les soldats (et même un bordel !), comme des stades de football, de base-ball, 335 salles de jeux et d’attraction, 3 grandes librairies, 117 restaurants, 24 bureaux de tabacs, 16 cafés dont l’un avec une terrasse de 2000 places cinq cinémas-théâtres dont trois ouverts (où chantera Marlène Dietrich) et un cinéma en plein air de 8 000 (à 14 000) places selon les sources (le plus grand du monde pour l’époque) dont la cabine de projection est toujours présente…des bobines de films y seront retrouvés 50 après le départ des troupes…tout comme de nombreux objets et des plaques militaires que des passionnés retrouvent et envoient aux familles de GI après de longues recherches !

De nos jours on ne retrouve plus beaucoup de traces du fait de la revente des matériaux…en mars 2023 le propriétaire des lieux a retrouver un plan numéroté et daté (mai 1934) d’un bâtiment du site. Il s’agit de la grange et de sa formidable charpente. René Darde est l’architecte qui a construit les nombreux bâtiments du Domaine. Il construisait d’ailleurs en même temps, le grand hôtel l’Arbois à Sainte Maxime pour le même propriétaire, Jean Gianotti. On retrouve encore les traces des piquets du filet de tennis du club house, des pylônes électriques floqués d’un « made in USA » et les fondations de bétons des baraquements ou encore de l’hôpital. Après la signature de l’Armistice et la fin de la guerre sur le continent européen, le camp de Calas sert à nouveau de camp de transit pour les contingents rentrant aux Etats-Unis ou partant pour le Pacifique. Il ferme ses portes en 1946, après le départ des derniers contingents. Découvrez le site le plus complet sur le sujet. En 2020 Kristel K. Grauer, le consul général des États-Unis à Marseille, en poste pour trois ans dans la région, était en visite officielle au camp américain pour un véritable pèlerinage. Quant au propriétaire des lieux, c’est à la fin des années 60, que Jean Gianotti décède marquant la fin d’une époque et de l’activité agricole du site qui va se retrouver progressivement à l’abandon, se dégradant inexorablement et dont une partie de son patrimoine industriel a été pillé.

En janvier 1985, le neveu de Walt Disney et vice-président du directoire de Disney, Roy Disney Jr, recherche un site en Europe pour accueillir le premier parc sur le continent. À cette date, aucun site n’est encore confirmé mais deux pays affirment déjà une certaine rivalité : l’Espagne et la France. Val-de-Marne est déjà proposé mais aussi le site du domaine des plaines de l’Arbois (qui sera survolé en avion par le neveu de Walt Disney) et en Espagne les villes privilégiées sont Barcelone et Alicante. Le contexte économique cette année n’est pas au beau-fixe, et l’implantation d’un parc de cette envergure apparaît comme une aubaine. L’Espagne a de son côté déjà mis en place des subventions et fait valoir l’attractivité des emplacements sur le territoire national, mais la France conserve un argument de poids : la possibilité d’implanter le futur parc près de Paris. En décembre 1985, France Inter annonce que le parc sera présent en France.

Laurent Fabius, Premier ministre de l’époque, confirme la venue du géant américain, tout en rappelant que l’implantation de Walt Disney en Europe était convoitée par d’autres pays. Le parc sera construit à 30 km de Paris…et le domaine de l’Arbois évitera ainsi une nouvelle « colonisation américaine ».

L’ancienne bergerie du domaine à côté du club house et du tennis du camp de Calas

En 2021, Frédéric Imbert, ancien photographe notamment de John Travolta, arrière-petit-fils de Jean Gianotti, rachète une partie du domaine toujours propriété de la famille, avec l’objectif et la passion folle (mais bien réfléchie) de redonner progressivement vie à ce lieu qu’il a toujours connu depuis son enfance, sa madeleine de Proust, en créant le «village Bio de l’Arbois» (nom provisoire)…un projet éco-responsable de très grande envergure qui s’articule autour d’un centre agro-écologique qui ambitionne d’accueillir un large public…les premières idées évoquées, un centre de formation agricole, des startup agricoles, un champ photovoltaïque, des restaurants, des halles alimentaires, une ferme pédagogique, un espace de culture du chanvre…fin 2022 de petites structures mais aussi de très gros porteurs de projets encore confidentiels commençaient à se manifester pour dessiner l’ADN de ce site unique à deux pas de la gare Aix TGV (implantée sur le domaine familial) et de l’aéroport de Marignane.

Mais déjà le blé commençait à pousser sur certaines parcelles, les abeilles à butiner dans les premières ruches, les signes d’un formidable renouveau à écrire autour d’un projet éthique, écologique et socialement responsable, porteur de sens !


SOURCES Jean Gianotti & Musée de la résistance en ligne, auteurs Laetitia Vion et Robert Mencherini & La Provence & wikipedia Disneyland Paris & Randomania & L’Amérique en Provence, le camp de Calas, Daniel Falgoux, Isabelle Marnette, Josette et André Brusson & Marsactu & deltastagingarea.fr
PHOTOS Dominique Milherou Tourisme-Marseille.com & Archives nationales américaines – Archives municipales de Marseille 129 Fi 172 – 129 Fi 174 et 129 Fi 175 – 129 Fi 180 & Lapere Collection
A NOTER Ce site est un blog personnel, ces informations sont données à titre indicatif et sont mises à jour aussi souvent que possible. N’hésitez pas à me contacter pour toute correction ou contribution

Avis sur cette fiche
4
Note globale 1 Avis
VOTRE NOTE:
Laisser un avis
VOTRE NOTE:
D'autres fiches à explorer dans cette catégorie