Rubens a peint Le Débarquement de la reine à Marseille pour illustrer l’arrivée de Marie de Médicis dans la cité phocéenne après son mariage avec Henri IV à Florence. Rubens a réussi dans ce tableau à faire de quelque chose d’ordinaire un événement magnifique et sans précédent. Marie de Médicis était accompagnée par la grande-duchesse de Toscane et par sa sœur, la duchesse de Mantoue. Elles sont accueillies les bras ouverts par un personnage qui symbolise la France comme en témoignent les fleurs de lys en or sur sa cape royale bleue. Marie de Médicis est entourée de sa sœur et de sa tante tandis que la Renommée fait sonner deux trompettes pour les accueillir. Sous le navire amenant Marie de Médicis, Neptune, le dieu des mers, surgit des eaux après l’avoir accompagnée tout au long du voyage afin de s’assurer de son arrivée à bon port à Marseille.
« Il [Rubens] entourait [Marie de Médicis] d’une telle richesse d’accessoires que, à chaque instant, elle était presque reléguée au second plan. Considérons, par exemple, Le débarquement à Marseille, où tout le monde n’a d’yeux que pour les naïades voluptueuses, au détriment de la reine qui est reçue à bras ouverts par la France. » Marie de Médicis est devenue la seconde épouse du roi Henri IV lors d’un mariage par procuration célébré le 5 octobre 1600, sous l’autorité de son oncle le Grand Duc Ferdinand de Toscane.
Lorsque Henri IV fut assassiné en 1610, son fils et successeur, Louis XIII, était seulement âgé de huit ans. C’est donc sa mère, Marie de Médicis qui devint régente conformément aux lois saliques jusqu’en 1617 alors que Louis avait dépassé les treize ans, âge auquel il aurait dû officiellement devenir roi. En 1617, à l’âge de quinze ans, Louis XIII décida finalement de prendre la direction du royaume et la reine fut exilée à Blois. Louis et sa mère ne se réconcilièrent pas pendant six ans mais, finalement en 1621, Marie de Médicis fut autorisée à revenir à Paris. À son retour, Marie se consacra à la construction et la décoration du Palais du Luxembourg, une énorme entreprise dans laquelle Rubens joua un rôle clé. Rubens, qui était alors peintre à la Cour du Duché de Mantoue sous le règne de Vincent Ier de Mantoue, duc de Gonzague, avait rencontré Marie de Médicis pour la première fois lors de son mariage à Florence en 1600. L’année suivante, celle-ci choisit Rubens pour peindre deux grandes séries de tableaux représentant sa vie et celle de son défunt mari, Henri IV, destinés à orner les deux ailes du premier étage du Palais du Luxembourg.
Alors que les 21 tableaux illustrant de manière très allégorique la vie de Marie de Médicis furent achevés en 1624, la série de peintures consacrée à la vie d’Henri IV ne fut jamais achevée, bien que certaines esquisses préliminaires aient survécu. L’inachèvement de la série de tableaux d’Henri IV est en partie lié à Marie de Médicis qui fut bannie définitivement de France par son fils en 1631 et qui se réfugia à Bruxelles avant de mourir en exil en 1642 dans la même maison que la famille de Rubens avait occupée cinquante ans auparavant.
Alors que la réalisation de cette série de tableaux constituait la première grande commande de Rubens, elle était aussi un grand défi pour l’artiste qui devait réaliser vingt et une peintures d’une femme dont la vie se résumait à son mariage avec Henri IV et la naissance de six enfants, dont un mourut en bas âge À cette époque, les femmes ne recevaient en général pas de tels hommages élogieux, même si Rubens était parfaitement fait pour l’emploi, compte tenu du grand respect qu’il avait pour « les vertus du sexe opposé », comme le démontrent les œuvres qu’il réalisa pour Isabelle d’Autriche. Qui plus est, contrairement à son époux, la vie de Marie de Médicis n’était pas ponctuée de victoires triomphantes, mais plutôt par son implication dans des scandales politiques qui interdisaient à Rubens de faire une représentation trop littérale des événements de la vie de la souveraine pour ne pas encourir la désapprobation du gouvernement.
Loin de se décourager, Rubens démontra sa connaissance impressionnante de la littérature classique et des traditions artistiques, en utilisant des représentations allégoriques destinées à glorifier les aspects banals de la vie de Marie de Médicis et à illustrer les événements les moins favorables de son existence. Au XVIe et XVIIe siècles, l’utilisation de l’iconographie chrétienne, ainsi que celle du panthéon grec et romain, était en effet un dispositif couramment employé par les artistes. Ainsi, Rubens a peint des images extravagantes de la Reine Mère entouré de dieux antiques et parfois même divinisée, l’ambiguïté des personnages étant essentiellement utilisée pour présenter Marie de Médicis sous son meilleur jour. Les réalisations de Rubens ont inspiré d’autres artistes, et notamment les peintres français Jean-Antoine Watteau (1684–1721) et François Boucher (1703–1770) qui firent des copies du cycle de Marie de Médicis.
Pierre Paul Rubens (Pietro Paolo Rubens) à partir de 1608 était un peintre brabançon de l’école baroque flamande, né le 28 juin 1577 à Siegen et mort le 30 mai 1640 à Anvers. Aidé par un atelier important, Rubens produit une œuvre considérable dans des genres divers. Il accepte de peindre un grand nombre de portraits mais, « d’instinct plus porté aux grand travaux qu’aux petites curiosités » comme il l’écrivait lui-même, il prête peu d’attention aux détails, qu’il ne peint pas en profondeur et dessine de quelques traits. En effet, il va travailler à un rythme extrêmement productif, réalisant 1 403 peintures selon le catalogue de Michel Jaffé. Il réalise surtout de grands projets religieux, des peintures mythologiques, et d’importantes séries de peintures historiques. Prisé des Grands pour l’érudition et le charme de sa conversation, il joue également un rôle diplomatique important à son époque et jouit d’une position sociale sans égale chez les artistes de son temps.