Fonderie Benet, Louis Benet et le Paquebot le Phocéen

Rue des Catalans 13007 Marseille
969
Fonderie Benet, Louis Benet et le Paquebot le Phocéen
Arrondissement : 7ème
C’est ici au Pharo, sur l’emplacement de la rue des Catalans, à proximité de la Batterie de la Désirade et du Champ de Manœuvre que sera créée en 1836 la Fonderie Benet, une usine pour la réparation des bateaux à vapeur de la Méditerranée. Louis Benet fut un des grands rénovateurs de l’industrie de la région, constructeur du Paquebot le Phocéen le premier navire à vapeur assemblé à La Ciotat, parti du port de Marseille pour un tour de la Méditerranée de trois mois réservé à « l’aristocratie opulente et voyageuse de l’Europe ».

Le pharo, orthographié aussi faro, appelé « tête de More », « lou Mourré » signifie en terme de marin « musoir », nom qui est donné aux moles défendant l’entrée des ports. Cette anse du pharo est située sur une butte naturelle sur laquelle se trouvait autrefois une vigie. Sur ce terrain fut érigée la rue Infirmeries Vieilles afin de rappeler le souvenir du Lazaret des Catalans tout proche. La rue aujourd’hui longue de 180 mètres prendra le nom « des Catalans » en 1987. Dans cette voie fut ouverte en 1836 cette fameuse Fonderie Benet, une usine pour la fabrication de chaudières de bateaux à vapeur et à proximité se trouvaient dès 1861 les Bains des Catalans. A la fin du XIXe siècle s’installèrent également des arènes ou se déroulèrent des courses de taureaux !

Selon « Aux origines de l’industrie moderne marseillaise : l’œuvre de Louis Benet et de Philip Taylor (années 1830-1850) par  Xavier Daumalin and Olivier Raveux « Louis Benet ouvre en 1833, dans le quartier de Menpenti, une première petite fonderie. À défaut de construire des navires, il acquiert la maîtrise des travaux métallurgiques. Il faut attendre 1836 pour que Louis Benet se lance véritablement. Il crée alors une société en commandite (Louis Benet & Compagnie), avec l’aide de plusieurs notables marseillais et celle des frères Schneider. Dotée d’un fonds social de 300 000 puis 450 000 francs, la société est formée pour établir deux ateliers (à La Ciotat et à Marseille, au Pharo) « pour la réparation des bateaux à vapeur de la Méditerranée, la construction des machines ou mécaniques que pourront faire les dits ateliers et les constructions navales ».

Cette même année, Louis Benet lance son premier steamer, le Phocéen.

Le Phocéen 1936

Le 31 mai 1836, le Phocéen est le premier navire à vapeur construit à La Ciotat par l’armateur et industriel Louis Benet. Il quitte le port de Marseille pour s’engager dans un tour de la Méditerranée de trois mois qui doit le conduire successivement à Alger, Tunis, Malte, Navarin, Smyrne, Constantinople et Athènes, avant de rentrer en France par Palerme, Naples, Rome, Livourne et Gênes. « Tour du monde classique », « promenade historique » ou « nouvelle mode de la belle saison » réservée à « l’aristocratie opulente et voyageuse de l’Europe », l’entreprise est avant tout présentée comme une initiative purement touristique. Elle s’inscrit toutefois dans un contexte particulier : celui de l’essor de l’énergie vapeur au sein de l’économie marseillaise avec une temporalité méditerranéenne marquée par un regain d’intérêt des Européens pour l’Orient, la conquête de l’Algérie et une ambiance intellectuelle où les thèses du saint-simonien Michel Chevalier – appelant à ce que la Méditerranée devienne un « vaste forum » de paix et de prospérité entre l’Orient et l’Occident grâce au développement concomitant des moyens de transport et de l’industrie – commencent à se diffuser parmi les élites occidentales.

S’il est prévu que la « croisière s’amuse », celle-ci n’en est pas moins révélatrice d’enjeux commerciaux, industriels et politiques qui sont analysés dans cet article.

Locomotive sortie des ateliers Benet de La Ciotat pour la ligne Marseille-Avignon (1846).

Louis Benet est né à la Ciotat, le 3 juillet 1805, de Toussaint Barth et de Anne Thérèse Olivier. Ce fut un des grands rénovateurs de l’industrie de notre région. A 25 ans, il dirige déjà, avec son père, des chantiers de construction à Marseille au Pharo. Puis il fonde à La Ciotat sa propre entreprise : une filature de soie et coton dans l’ancien couvent des Bernardines. Les bateaux que l’on construisait à l’époque étaient des navires en bois et à voiles. Louis Benet rêvait de construire des navires en fer, mus par la vapeur. En 1835, il délaisse la filature pour créer dans notre ville des chantiers navals qui portent son nom. Mais, si l’expertise ciotadenne est reconnue pour la construction des coques et gréements avec les deux constructeurs ciotadens, Vence père et fils, l’avance britannique est écrasante à l’époque pour les machines à vapeur « marines ». Aussi, Benet ira chercher ses machines en Angleterre.

Et, en mai 1836, Louis Benet, lançe à l’escalet le premier paquebot à vapeur français de la Méditerranée: « le Phocéen I » comme évoqué plus haut.

La Ciotat, le Quai Louis Benet

La construction est française, mais la machine vient d’Angleterre. Les côtes en seront adaptées par Vence qui fait faire des gabarits, convertissant les mesures anglaises en mesures « ciotadennes » (le mètre n’étant pas encore couramment adopté !). Le Phocéen I En 1838, le 20 janvier, on lance le premier navire du nouveau chantier, c’est « le Phénicien ». Puis « Le Vesuve » suivra équipé de la première coque en fer que Vence construira. Voulant se libérer de l’hégémonie britannique, Louis Benet décide de créer en1839, une fabrique de machines à vapeur dans les locaux de son ancienne filature et il transfère le chantier naval entre les deux môles, à l’endroit où il se trouve toujours. L’activité des Ateliers de Construction de Machines à Vapeur de La Ciotat, créés par Benet, reste encore très polyvalente : bateaux en bois, coques en fer, machines à vapeur pour moulins, mais aussi locomotives sous licence anglaise.. En 1840, sortent les vapeurs « Saphir » et « Rubis », toujours avec des machines anglaises importées. Enfin, le 20 mai 1841, c’est le lancement du premier vapeur 100% français (coque et machine), « le Phocéen II ».

Corvette à roues tel que le Narval de 1844

Désormais, tous les navires produits auront leur coque et leur machine construite entièrement à la Ciotat. Les innovations se succèdent : 1844: le « Narval », premier bâtiment en fer et à vapeur de la Marine Nationale, 1845: le « Philippe Auguste », premier navire en fer et à roue destiné au transport des voyageurs en Méditerranée, 1847: le « Bonaparte », premier vapeur à hélice en Méditerranée.. On comptera de 1836 à 1851, 37 navires à vapeur construits par les chantiers Benet de la Ciotat. Mais, la production des locomotives n’est pas satisfaisante, moins rentable et moins fiable que celle des anglais, de plus Benet jouissait de soutiens trés haut placés dans l’Ancien Régime et la Révolution de 1848 sera pour lui une catastrophe. Marqué politiquement, il se voit refuser des financements bancaires. Du coup, le chantier est en cessation d’activité et doit débaucher son personnel : quelques 800 ouvriers… En 1851, Louis Benet reçoit une offre de rachat de ses chantiers par une société en formation, subventionnée par l’état pour assurer le service postal du Levant. La Compagnie Nationales des Messageries Maritimes, créée sous l’impulsion d’Albert Rostand et dirigée par Ernest Simons et Armand Béhic, est en effet intéressée par cette reprise qui lui permettra de renouveler par de nouvelles unités, faites à La Ciotat, les vieux navires postaux de l’état. Après avoir vendu ses chantiers de la Ciotat, Louis Benet créera, à Marseille, la fonderie de Menpenti qui devint le principal fournisseur des forges et chantiers de la région. Il fonde en même temps une corderie importante, la firme Benet, Duboul et Cie. Louis Benet fut conseiller général du canton de la Ciotat de 1849 à 1860. Il est mort à Marseille à 74 ans, le 28 juin 1877 et est inhumé dans le caveau de sa famille à la Ciotat.

Une lettre manuscrite écrite de Marseille, le 9 octobre 1836, par M. Reynary nous en dit un plus sur ce Benet. « …Mr Benet vous expliquera sur quels motifs il fonde l’espérance d’obtenir l’exemption du droit d’entrée sur des machines et outils, qu’il importe d’Angleterre, pour servir de modèles dans les ateliers de construction de machines de toute espèce, établis à la Ciotat. Tout ce que je me permettrai de vous dire, c’est que je ne sache pas un négociant plus digne de la bienveillance du Gouvernement que M. Benet, à qui Marseille doit une fonderie, des Armements pour la pêche de la Baleine, la construction des plus beaux navires de notre Port et entre autres du paquebot à vapeur le Phocéen qui a fait récemment le remarquable voyage de Circumnavigation dans la Méditerranée dont vous avez certainement entendu parler… »


SOURCES Lettre manuscrite écrite de Marseille, le 9 octobre 1836, par M. Reynary & museeciotaden.org & Aux origines de l’industrie moderne marseillaise : l’œuvre de Louis Benet et de Philip Taylor (années 1830-1850) par  Xavier Daumalin and Olivier Raveux
PHOTOS museeciotaden.org & Archives non créditées & Plan de 1914
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