Il s’oriente rapidement vers le sud, et s’enfonce dans un vallon qui traverse sur toute sa longueur la ville de Septèmes-les-Vallons puis le quartier marseillais de Saint-Antoine jusqu’aux Aygalades, où il franchit un défilé dans lequel il passe entre deux falaises engendrant une superbe cascade (mais parfois à sec). Le nom « Aygalades » provient du toponyme occitan Aigalada, lui-même issu du latin médiéval Aqua lata, signifiant « eau abondante », qui désignait au XIIIe siècle la zone voisine du défilé où il cascade, dans laquelle se trouvaient en outre plusieurs sources et fontaines, ressource rare dans toute la cuvette marseillaise. Le village établi là a donné son nom au ruisseau.
Bien qu’il s’agisse d’un fleuve, puisqu’il se jette dans la mer, ce cours d’eau reste dénommé « ruisseau ». Le fait est que son débit reste faible, et son lit étroit de bout en bout.
Il poursuit en plaine à travers les quartiers industriels du nord de Marseille, et oblique finalement vers l’ouest pour se jeter dans le mer au nord de la Joliette. Son embouchure a été récemment redessinée dans le cadre de la rénovation de la zone d’aménagement Euroméditerranée. Le projet propose de faire resurgir le ruisseau des Aygalades des entrailles de Marseille pour en faire le fil conducteur d’un parc urbain de 14 hectares tout en longueur. Dans la continuité du parc François Billoux, le nouveau parc des Aygalades débute au niveau du boulevard du Capitaine Gèze et se prolonge jusqu’à la mer par la création d’un cours très arboré sur la rue d’Anthoine. Vaste espace de nature, de promenades au bord de l’eau, d’activités ludiques et sportives, ce parc doit devenir le lien végétal entre Euroméditerranée II et les quartiers adjacents (Le Canet, les Crottes…), tout en jouant le rôle de bassin de ruisseau lors des épisodes de pluies torrentielles.
Le SANDRE ne répertorie aucun affluent du ruisseau des Aygalades1. Pourtant le ruisseau traverse la commune de Septèmes-les-Vallons où, comme son nom l’indique, plusieurs vallons convergent vers lui (vallon de Fréguyères, vallon du Maire, vallon de la Rougière), puis les quartiers nord de Marseille, où convergent encore vers lui le vallon des Cadeneaux et le vallon des Pins (ou de la Femme morte). Mais ces vallons sont presque toujours à sec, sauf en cas de fortes pluies, et n’apportent quasiment aucun débit au ruisseau principal. Seul le vallon du Maire apporte un petit flux permanent… issu d’un usine chimique.
La cascade des Aygalades était au XIXe siècle un rendez-vous de la bourgeoisie marseillaise qui venait se rafraîchir à l’écart du centre-ville. Elle était sur la propriété du Château Falque, qui fut démoli dans les années 1940 lors de la construction de l’autoroute A7. Laissé à l’abandon, ce site exceptionnel a été redécouvert par le collectif des Arts de la rue lorsqu’il s’est installé sur la friche qui le domine. Depuis 2009, l’Association pour la Cité des Arts de la Rue (ApCAR) organise des accès au ruisseau et à la cascade, lors des « dimanches aux Aygalades », accompagnés depuis 2018 de conférences « Voix d’eau » organisées par le Bureau des guides du GR 2013 au bord de la cascade2,3. Une dynamique collective s’est créée autour de cet espace patrimonial, aussi bien avec les populations, les acteurs sociaux, opérateurs culturels qu’avec les associations et entreprises locales. Le collectif les Gammares (du nom d’une crevette d’eau douce bio-indicatrice de l’état écologique des cours d’eau) regroupe autour de l’ApCAR, du Bureau des guides et de la coopérative Hôtel Du Nord les associations de riverains du ruisseau depuis Septèmes jusqu’à Arenc, avec le soutien des CIQ voisins.
La démarche de revitalisation du ruisseau initiée à partir du jardin de la cascade s’étend ainsi à l’échelle du cours d’eau. En 2016 l’ApCAR a lancé un chantier d’insertion professionnelle pour la restauration écologique et la valorisation du site en vue de son ouverture pérenne au public.
En , une opération de collecte avec plus de 90 bénévoles est organisée dans le cadre de l’opération « Calanques propres » par l’association MerTerre et permet de récolter plus d’une tonne de déchets. Des associations de riverains, de Septèmes aux Aygalades et à Arenc, s’activent pour faire pression sur les autorités, en même temps elles organisent elles-mêmes des actions de nettoyage, de réhabilitation des berges et d’accès au cours d’eau. La prochaine ouverture d’un parc urbain à la Delorme impose d’ailleurs aux autorités de proposer au public un cours d’eau propre et sain. Dans le cadre du Contrat de Baie, signé en 2015 sous l’égide de l’Agence de l’eau Rhône-Méditerranée-Corse et porté conjointement par la Ville de Marseille et la Métropole Aix-Marseille-Provence, une étude de terrain a été confiée en 2017 à un laboratoire de recherche universitaire, l’Institut Méditerranéen de Biologie et Écologie marine et continentale (IMBE) pour faire un bilan complet de la situation et proposer les mesures à prendre pour redonner vie à ce cours d’eau jusqu’ici « orphelin ».
Une exploration, étude et caractérisation du ruisseau des Aygalades, a été menée par l’IMBE avec Natural Solutions, MerTerre, le Bureau des guides du GR2013, Euroméditerranée, et l’Agence d’urbanisme de l’agglomération Marseillaise (AGAM). Revitaliser un fonctionnement hydrologique aussi naturel que possible, en restituant du débit au chenal principal, en restaurant les continuités écologiques et en annihilant les polluants chimiques semble un objectif réalisable à moyen terme. Rendre les rives plus attractives en termes de loisirs peut aussi entraîner un retour positif et une volonté des riverains de protéger leur patrimoine.
La reconquête du « potentiel écologique » du ruisseau des Aygalades, dompté par un étalement urbain, maltraité par un développement industriel passé et présent, doit permettre de répondre aux exigences de développement durable et de transition écologique.