Au XIIIe siècle s’y trouvait le camp des croisés qui s’embarquaient à Marseille à destination de la terre sainte. Malgré un certain éloignement du centre ville, elle servait à l’époque à diverses manifestations : champ de manœuvre, accueil des monarques avant leur réception à l’hôtel de ville. Ainsi le roi Robert Ier de Naples, comte de Provence, accompagné de sa femme Sancia de Majorque, est accueilli le 22 mai 1319 en ce lieu par les notables de la ville avant de pénétrer dans la ville pour se recueillir devant les reliques de son frère Saint Louis d’Anjou. Le 6 novembre 1564 c’est le roi Charles IX qui y sera reçu avec sa mère Catherine de Médicis, son frère le duc d’Anjou et son cousin Henri de Bourbon, futur Henri IV. De même le 7 novembre 1622 le roi Louis XIII y sera reçu par le premier consul Boniface de Cabannes.
De même François Ier à son retour triomphant après la bataille de Marignan, accompagné de la reine Claude, y sera reçu par un cortège composé des consuls, du viguier Louis de Vento et de l’évêque Claude de Seyssel.
Au xviiie siècle Marseille s’urbanise rapidement, s’étendant au-delà de ses frontières portuaires originelles. Des immeubles commencent alors à border la place et fait naître le quartier. La place s’ordonne alors autour des immeubles typiquement provençaux qui y sont construites et est, sociologiquement, essentiellement bourgeoise. En 1770, la Plaine accueille la toute première corrida qui ait lieu en France. Au xixe siècle La construction en 1843 du clocher de la Basilique Notre-Dame-de-la-Garde permettait d’installer un bourdon qui fut commandé à un fondeur lyonnais Gédéon Morel ; l’énorme cloche de 8 234 kg fut transportée par chariot le long du Rhône puis exposée à la place Jean-Jaurès pour y être bénie le 5 octobre 1845 par Mgr Eugène de Mazenod et baptisé « Marie Joséphine » avant d’être transportée au sommet de la colline Notre-dame-de-la-Garde.
Le 8 juillet 1852, le conseil municipal délibère d’établir sur la place une fontaine avec un grand jet d’eau, ainsi que des grands bassins à eau. Ces trois bassins concentriques de 20 mètres de diamètre sont installés au centre de la place ; plus de 103 jets s’en échappent. À partir de 1860 la place accueille la foire de Saint-Lazare qui se tenait auparavant aux Allées, partie haute de la Canebière. Cette foire se maintiendra avec plus ou moins de succès jusqu’aux années 1960 avec auto-tamponneuses et grande roue. La Plaine est au centre du mouvement de contestation de la Commune en 1871. Entre le 22 mars et le 5 avril, des militants marseillais se rassemblent sur la place pour apporter leur soutien aux révolutionnaires dans la capitale. L’année précédente, en août, des militants avaient déjà tenté une insurrection à Marseille, et les chefs du groupe avaient été envoyés au cachot du Fort Saint-Jean, dont parmi eux Gaston Crémieux.
En 1883, la Plaine est creusée : son sous-sol est percé d’un tunnel de 700 mètres de long pour donner passage au premier tramway (un train à vapeur), encore emprunté aujourd’hui pour se rendre jusqu’au quartier Thiers et à la Canebière. Le 14 novembre 1886, Louis Capazza et Alphonse Fondère partent de cette place en ballon et arrivent en Corse. Un monument inauguré le 16 novembre 1930 par les aviateurs Dieudonné Costes et Maurice Bellonte et situé à l’angle de la rue Sibié et sculpté par Louis Botinelly rappelle cet événement.
A partir de 1892 est installé le plus grand marché de la ville, dont l’existence se perpétue jusqu’à aujourd’hui (après 3 ans d’interruption lié aux travaux de réaménagement de la place, 2018-2021).
Jusqu’en 1936 on y trouvait les bassins construits en 1852 où les enfants marseillais pouvaient faire un tour en barque. L’écrivain Jean Giono dans son roman Noé parle ainsi de la Plaine : « C’est une vaste place encadrée de chaque côté par deux allées d’arbres. Au printemps il y a dessus une foire. Du temps de ma jeunesse, il y avait au centre de cette place un bassin dans lequel évoluait un bateau à rames à forme de petit paquebot et pouvant contenir une dizaine d’enfants. Un feignant costumé en matelot faisait faire pour deux sous trois fois le tour du bassin, lentement, avec de longues pauses. Cela s’appelait le tour du monde. Chaque fois que je descendais à Marseille avec mon père, il me payait ça. Je montais dans la barque et j’étais navré de le quitter, car il restait à terre. Il restait à terre et il faisait lentement le tour du bassin en même temps que moi, car il était navré de me quitter. Mais, dès que nous arrivions à Marseille, lui et moi il me disait : Viens, Jean, je vais te payer le tour du monde ».
Par la suite cette retenue d’eau a été comblée, car l’eau s’infiltrait dans la terre et gouttait sur le tramway en dessous. A une date inconnue, la Plaine est à nouveau creusée pour accueillir dans son sous-sol un parking sous-terrain. A la surface, elle accueille aussi un marché, autour duquel il était possible entre les années 1930 à 1983 de faire un tour en carriole tractée par un âne. Il y avait aussi un théâtre Guignol qui faisait la joie des enfants. Dès les années 1930, un square avec bacs de sable pour les enfants a été construit au centre de la place (square dénommé ultérieurement Yves Montand). Le maire Gaston Defferre inaugure le premier feu de signalisation tricolore de la ville en 1953.
Au xxie siècle, la Plaine accueille jusqu’en 2018, le mardi, jeudi et samedi un marché, ainsi que, le mercredi, un marché aux fleurs. Son retour se fera en 2021. On trouve bon nombre de cafés autour de la place, ainsi que de nombreux restaurants dans les petites rues entre la Plaine et le cours Julien.
La Plaine était en 2018 devenue un vaste parking, sans aménagements cohérents, une place quelque peu abandonnée jusque là par les pouvoirs publics mais encore très dynamique grâce à son marché.
2021, le nouvel aménagement de la Plaine
Un appel d’offre a été lancé en juillet 2015. L’opération consiste au réaménagement de la place et porte sur environ 25 000 mètres carrés à vocations multiples (accueil de marché, espaces de loisirs et d’agrément, espaces à vocation commerciale type terrasse, petite restauration, stationnements, développement des modes de déplacement doux, …). Le montant de l’enveloppe prévisionnelle affectée aux travaux s’élevait à 11.500.000 euros (au final 13)…un projet qui rencontre une vive opposition de la part de certaines associations du quartier craignant une gentrification de la Plaine et invoquant le manque de concertation avec les habitants. Un collectif de citoyens pour le projet se monte également en parallèle. En novembre 2016 la Soleam en charge du projet annonce que sur les 4 dossiers reçus c’est celui de l’agence APS de Valence qui a été retenue…
APS qui avait d’ailleurs déjà réalisé à Marseille le Jardin des Migrations, au Mucem Fort Saint Jean…récompensé du prix national des Victoires du Paysage 2014 dans la catégorie « Jardin Urbain ».
C’est au final en juin 2021 que le projet est livré avec notamment un tout nouvel axe Sud-Nord entre la rue St Michel et la rue St Savournin. Le tour de la place en voiture n’est plus possible tout comme le stationnement. Le marché forain très populaire mais aussi très critiqué pour sa pollution plastique générée devrait être maintenu sur 60% de la surface soit un emplacement pour 170 forains au lieu des 300 actuels…des chiffres encore très incertains. La plaine arbore de nouveaux îlots paysagers, une Pergola, deux 2 aires de jeux avec « la découverte des petits » pour les 2-6 ans et « les aventures perchées » pour les 6-12 ans (livré fin juillet 2021). Des kiosques alimentaires ont également été créé ainsi que des sanitaires…le tout rapidement tagué !
Le début des travaux a commencé en octobre 2018 avec de grandes difficultés suite aux actions parfois violentes des opposants du projets, incitant la Soleam a construire un immense mur de 2,5 mètres de haut pour ceinturer la place et protéger les travaux. Un mur très critiqué de par sa symbolique et son coût mais qui permettra la finalisation des travaux. La livraison souhaitée était à la base pour décembre 2019 ce sera au final pour la totalité du site en juillet 2021 !
Monuments remarquables de la Plaine
- A un numéro inconnu a vécu le réalisateur et essayiste Alèssi Dell’Umbria.
- A un numéro inconnu ont vécu Étienne François Clary et son fils François Joseph Marie Clary dans leur hôtel particulier.
- Au no 28 a été installé un bas-relief commémorant le voyage de Louis Capazza et Alphonse Fondère jusqu’en Corse à partir de leur ballon.
- Au no 31, bâtiment qui fait l’angle avec le boulevard Chave, se trouve un immeuble construit par l’architecte Gaudensi Allar, frère aîné du sculpteur André-Joseph Allar, Grand Prix de Rome de sculpture en 1869, et où fut placé par Nicolas Henri Chave un buste en marbre en mémoire de son père en 1889.
- Au no 32 se trouve un bureau de poste qui a remplacé un couvent des sœurs de l’observance ;
- Au no 34 se trouvait une bastide, démolie en 1885, dans laquelle Joseph Bonaparte avait épousé en 1794 Marie Julie Clary, sœur de Désirée.
- Au no 36 se trouvait un des plus vieux cinémas de Marseille, le Pelissier, détruit dans les années 1970.