Selon la Friche « avec le Champ de Mai, l’architecte Kristell Filotico a souhaité créer, plus qu’un parking, un véritable lieu des possibles et offrir un espace public appropriable par le plus grand nombre. Lorsqu’elle nous parle de ce projet, elle évoque d’emblée ses références, ses inspirations, toujours nourrie par ses voyages, par le travail des autres, toujours en recherche d’y apporter sa touche, son audace et la petite différence qui fera que sa création est unique. Pour le Champ de Mai, Kristell a voulu « chercher l’évidence et offrir plus ». Elle nous explique que l’idée a été de travailler au sol plutôt qu’à l’élévation d’un bâtiment. Ainsi, au-delà de la capacité purement fonctionnelle du parking en sous-sol permettant à chacun·e de se garer, Kristell a choisi de créer une esplanade à ciel ouvert, qui pourrait servir à accueillir du public lors de soirées festives ou cinématographiques par exemple.
Pour cela, elle a souhaité créer une inclinaison du sol qui permettra, lors de ses évènements à chacun·e de voir et d’entendre ce qu’il se passe au niveau de la « scène », une sorte d’amphithéâtre épuré. Kristell fait référence à la Piazza del Campo à Sienne, mais aussi à l’esplanade Beaubourg à Paris, qui aurait exactement le même degré d’inclinaison !
Autour de cette esplanade, Kristell a choisi de créer un nouveau lieu de vie à la Friche. Un endroit ombragé dans cet univers très minéral, où l’on pourrait venir rêvasser, jouer… Elle a donc choisi de l’entourer de 300 mètres linéaires de bancs, pour que tout le monde puisse y trouver son espace. Pour arborer la place, elle a souhaité travailler avec les paysagistes de l’Atelier Roberta, trois jeunes femmes issues de l’école nationale de paysagistes de Marseille. Elles ont imaginé ensemble comment la végétation locale des calanques pourrait se glisser dans la roche déjà présente à la Friche. La mémoire du lieu est ainsi conservée, tout en étant désormais plus végétale, en gardant toujours à l’esprit l’environnement dans lequel nous nous trouvons et les espèces qui seront les plus à même d’y évoluer. Chaque arbre du Champ de Mai a ainsi été sélectionné en toscane, et toujours avec l’envie de faire participer les usager·e·s des espaces qu’elles crée, Kristell a imaginé que les enfants de la crèche se situant juste à côté puissent venir, accompagnés de leurs parents pour aider à la plantation de ces nouveaux arbres qui feront partie de leur quotidien.
Fin avril 2021, après de longues journées de travail sur ce chantier qui a nécessité une réelle complémentarité entre ingénierie et architecture de par sa complexité, Kristell Filotico a pu apporter de ses propres mains la touche finale de son projet : une signalétique originale pour le parking, peinte à partir de pochoirs qu’elle a elle-même pensés et réalisés. En novembre 2021 on apprenait que dans la catégorie Espaces publics et paysagers, le jury de L’Équerre d’argent décernée par les revues AMC et Le Moniteur, présidé par Christian de Porzamparc, avait récompensé La Friche la Belle de Mai, Kristell Filotico architecte mandataire, Merrichelli Olivier architecte, Architecte associé, Atelier Roberta paysagiste, Lamoureux & Ricciotti ingenierie BET, Structure Sp2i BET, pour la réalisation du Champ de Mai.
Kristell Filotico est avant tout une passionnée. Fan de Street Art, elle souhaitait étudier l’histoire de l’art, mais ses parents l’ont dirigée vers des études plus scientifiques. Cela la mènera à Milan, à l’école Polytechnique, ainsi que dans les écoles nationales supérieures d’architecture de Saint-Étienne et de Lyon. Avant de monter sa propre agence, Kristell s’inspire, se nourrit des créations et idées d’autres architectes afin de pouvoir aller au bout de ses envies, et de croire en la faisabilité des projets les plus innovants et courageux. Kritstell nous parle de ses inspirations où l’architecture est toujours au service de la vie. Elle nous citera pour exemple l’architecte chilien Alejandro Aravena et son projet Quinta Monroy. Son principe ? Bâtir des demi-maisons que les habitants peuvent ensuite compléter au gré de leurs finances.
Lorsque Kristell évoque ses mentors, c’est avec entrain qu’elle nous parle d’une femme, Lina Bo Bardi, architecte brésilienne qui pensait son architecture comme un organisme adapté à la vie, associant l’usage quotidien et l’énergie de ses habitants. Tout le travail de Kristell Filotico en est empreint. « Être architecte femme, cela permet beaucoup de choses. »
Inspirée, Kristell l’est aussi par Corinne Vezzoni, l’architecte avec qui elle travaillera à Marseille durant 5 ans. À l’époque, elle s’identifie à cette jeune femme et à son agence extravertie, elles vont ensemble enchainer les projets et Kristell, aussi galvanisée qu’elle soit par cette ébullition découvrira à cette époque un milieu très masculin où on lui fera remarquer sa posture de femme qui l’avantagerait soi-disant. Elle ne flanchera pas et restera telle qu’elle est malgré les remarques, sans se renier, en allant toujours au bout de ses idées, n’hésitant pas à clamer à ceux qui en douteraient que les projets qu’elle mène sont possibles uniquement grâce à beaucoup de travail.
Depuis qu’elle s’intéresse à l’architecture, Kristell Filotico a toujours pensé ses projets en prenant en compte avant toute chose l’humain. Les habitant·e·s qui allaient vivre dans ses logements, les travailleur·euse·s qui allaient arpenter les couloirs de ses créations, les flaneur·euse·s qui profiteraient des espaces communs de détente au cœur de ses projets… »