Le Domaine Ventre, le quartier caché et en danger de Noailles

43 rue de la Palud, 13001 Marseille
2419
Le Domaine Ventre, le quartier caché et en danger de Noailles
Arrondissement : 1er
On pénètre dans cette méconnue enclave du quartier de Noailles, par 3 discrètes entrées…au 16 rue Moustier, au 43 rue de la Palud, ou encore au 78 de la rue d’Aubagne. Le Domaine Ventre était un lieu spécialisé dans le bois et le travail du bois. On y trouve encore à la fin du XIXe siècle une multitudes d’ébénistes, menuisiers, fabricants de chaises et fauteuils et tapissiers en meubles. Un véritable village d’artisans qui a aujourd’hui bien changé de physionomie et malheureusement perdu de sa bouillonnante vie…un lieu à part mais en danger, en cours de démolition et de restructuration suite à des arrêtés de péril. Je précise à la demande d’habitants que le domaine est fermé par des grilles car étant une propriété privée, interdite aux visiteurs.

Les 3 entrées menant à la cours intérieure

Selon Christophe Casanova du journal la Marseillaise qui s’est penché sur le sujet, « Les domaines étaient d’immenses entrepôts, avant les docks, dans lesquels les grands commerçants stockaient leurs marchandises. Les divers produits – les grossistes étaient spécialisés – rejoignaient les domaines à l’arrivée des bateaux puis étaient écoulés chez les détaillants. Leur physionomie est toujours la même : plusieurs porches donnent accès à une cour fermée et pavée qui reçoit les véhicules. »

 Selon l’article, après l’activité du bois « d’autres ateliers s’installeront dans les anciens entrepôts : cordonniers, tonneliers, horlogers, serruriers, imprimeurs, relieurs, doreurs, sculpteurs ».

Le texte signé Un Boer de Marseille paru dans le journal le Petit Marseillais du 25 mai 1901 résume à lui tout seul l’esprit, aujourd’hui disparu, qui régnait au Domaine Ventre : « Il va sans dire qu’il est plus aise de, découvrir le domaine Ventre que le Pérou. il suffit, en effet, d’ouvrir n’importe quel indicateur de Marseille pour y lire que ce domaine a trois entrées : rue Moustier, 16, rue de la Palud, 47, et rue d’Aubagne, 78. Eh bien, il est à parier, avec au moins soixante-quinze chances sur cent, que la moitié de Marseille n’a jamais mis les pieds dans ce quartier pourtant si populaire. Les trois entubées forment trois sortes de tunnels soutenant des habitations et des terrasses fort égayantes en ces jours printaniers. Durant la semaine, le domaine Ventre ressemble à une énorme ruche en éveil. Les relieurs chantent, les miroitiers chantent, les chapeliers chantent, les ébénistes chantent, les chaisiers chantent, les lavandiers chantent aussi.

Enfin, c’est un concert perpétuel dans lequel les ramiers, les modistes et les cartonnières font leur partie et d’une bien jolie façon. Les ménagères en battant les tapis, en épluchant leurs légumes, les petites bonnes au chignon négligemment épinglé, les canaris dans leur cage et les perroquets sur leurs perchoirs, entrainés par l’exemple variationnent, sifflotent, caquettent. Et c’est tellement charmant de traverser la vaste et fraiche cour du domaine, le matin, vers les dix heures, par exemple ou le soir ; c’est tellement charmant que, fût on plus triste qu’un bonnet de nuit, on y va quand même de son bout de rigodon, eu faisant claquer les doigts comme des castagnettes. Il faut voir le domaine Ventre, à présent que les ateliers travaillent, les fenêtres ouvertes, et que le gai soleil met un petit rossignol dans tous les cœurs. Le printemps y parfume les balcons et les terrasses de pois de senteur et de violiers.

Et bien plus. vers le Passage de la rue d’Aubagne, deux superbes jardins y tordissent, ombragés de frênes et de platanes, dans le voisinage de la blanche abbaye des Bénédictins. La semaine, les récréations pittoresques ne manquent pas dans l’enceinte laborieuse du domaine Ventre, mais les observateurs seraient bien inspirés de le traverser un jour de grande fête, à midi ; ils y recevraient la plus étourdissante douche sonore qu’il soit possible d’imaginer. En effet, à chaque solennité, la belle tour carrée de l’église de la Palud, plantée au milieu du domaine, fait tourner ses cloches à toutes volées; mais vous pouvez passer en toute sécurité sous ce pieux vacarme, les cloches sont grillagées et la musique seule du bronze s’envole, dégringole plutôt sur les toitures du quartier ».

L’internaute Bruno Dévé qui m’a aimablement transmis cet article évoque également ses souvenirs du Domaine Ventre « Mon arrière arrière-arrière-grand-père Joseph Bourgarel associé à son beau frère Albert Grandmaison y fut fabricant de chaises entre 1886 et 1893 année de son décès. L’atelier occupait le 2ème et 3ème étage du n°4. Son beau-frère poursuivra l’activité jusqu’à son décès en 1904. Le fond de commerce sera vendu l’année suivante. La raison sociale Fabrique de sièges Grandmaison lui survivra au moins jusqu’en 1913. »

De nos jours le Domaine Ventre est en pleine mutation et vie dans l’incertitude depuis les effondrements de la rue d’Aubagne en 2019 et la fragilisation de nombreux immeubles du secteur et des arrêtés de péril et des démolitions. A lire cet article de 2019 de Marsactu afin d’en savoir plus et également ce projet d’architecte pour sa réhabilitation.


SOURCES Petit Marseillais du 25 mai 1901 & Merci à Bruno Dévé pour ses informations & Extraits de l’article de Christophe Casanova du journal la Marseillaise & Marsactu
PHOTOS Jeanne Menjoulet & publicités anciennes & Dominique Milherou Tourisme-Marseille.com
A NOTER Ce site est un blog personnel, ces informations sont données à titre indicatif et son mises à jour aussi souvent que possible. N’hésitez pas à me contacter pour toute correction ou contribution

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