La Pastorale Maurel, 1844 et le Cercle catholique d’ouvriers

7 Rue Nau, 13006 Marseille
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La Pastorale Maurel, 1844 et le Cercle catholique d’ouvriers
Arrondissement : 6ème
La pastorale provençale est une pièce de la Nativité parlée et chantée au moment de Noël. La pastorale la plus renommée en Provence est la « Maurel » créée en 1844 sous le titre Rei de Glori, Canten Victori. En cinq actes, entièrement en provençal sauf le 4e qui est en français (l’acte d’Hérode) mais rarement présenté, elle est l’œuvre d’Antoine Maurel, qui l’a écrite en 1844, rue Nau à Marseille, où se trouvait le siège du Cercle catholique d’ouvriers, dirigé par l’abbé Julien. Autrefois la pièce était jouée dans tous les quartiers de Marseille. En 1896, Jean-François Audibert la traduit en français et crée un autre type, la Pastorale Audibert, donnée chaque dimanche de janvier par l’Association du Lacydon, au Panier.

Acteurs de la pastorale Maurel à Château-Gombert vers 1920

Jean Antoine Stanislas Maurel est né le 18 octobre 1815, à Marseille, dans le quartier de Saint-Jean et décédé dans la même ville le 19 mai 1897. Domicilié 25, rue du Refuge, il fut tour à tour ouvrier tonnelier, doreur, miroitier, comptable puis directeur du dépôt de mendicité de Marseille crée le 20 avril 1850. dans les couvents des Carmélites et de l’observance. Antoine Maurel reste célèbre pour avoir écrit en langue provençale, non seulement la Pastorale de Marseille en 1844 mais également des poèmes et pour son engagement social à partir de 1841. En effet, très jeune membre du conseil d’administration de la Société de Prévoyance et de Secours, il est d’abord visiteur des ouvriers en situation précaire avant d’en devenir le président en 1848, poste qu’il occupera pendant 42 ans.

En 1842, l’abbé Jean-Baptiste Julien (1805-1848), vicaire de la paroisse de Notre-Dame-du-Mont, socialement engagé lui aussi à l’amélioration de la vie des ouvriers, demande à Antoine Maurel, l’un de ses fidèles, également membre du « Cercle Catholique Ouvrier » qu’il dirige dans l’ancienne infirmerie du couvent des Minimes, 7 rue Nau, de ré-écrire la représentation de la Nativité pour Noël, d’en faire une crèche vivante, dans la langue des fidèles.

En effet, avant lui, Thomas Thobert (1736-1777), membre de la Société Sacerdotale du Sacré-Cœur de Marseille, avait écrit des pièces en provençal, dont la pastorale de Noël, jouée à Notre-Dame-du-Mont. Mais destinée à un public instruit, les élèves du Sacré-Cœur, pour lesquels la maîtrise de la langue française était un enjeu social, cette œuvre n’était ni dans le style ni en ce que l’on appelait le « patois marseillais », la langue parlée par les fidèles. C’est pourquoi l’abbé Julien en voulait une ré-écriture adaptée à ses ouailles. C’est ainsi que Maurel écrivit ce qu’il intitula, presque comme son prédécesseur, « Le Mystère de la naissance de Notre Seigneur Jésus Christ », une pastorale en 4 actes, en vers provençaux, sauf le dernier acte, en français et la partition musicale « O Rèi de glòri ». Dans son œuvre, il met en scène des personnages avec lesquels les fidèles peut s’identifier, comme il était d’usage au Moyen Âge. Antoine Maurel participa aux représentations, malgré sa boiterie ; le succès est tel que le spectacle est rejoué sur toutes les scènes marseillaises et régionales les années suivantes. Antoine Maurel et l’abbé Julien prirent soin de préciser dans la documentation de l’œuvre, que la représentation de la Pastorale était libre de droits à partir du moment où l’autorisation en aurait été demandée, mais qu’il n’en était pas de même des airs, empruntés à des auteurs et dont il convenait de liquider les droits auprès de la Société des compositeurs de musique. En 1860, Antoine Maurel crée la Société des Sauveteurs du Midi et en 1865, il crée le Syndicat de la Pharmacie Spéciale de l’Union de Secours Mutuel, soit la première pharmacie mutualiste de France. 1871 Antoine Maurel est élu président du Grand Conseil de la Mutualité.

En 1897, à la mort de Maurel, ses héritiers cèdent la Pastorale à l’éditeur marseillais Paul Ruat, propriétaire de la librairie Tacussel, plus exactement, ils lui cèdent l’exclusivité de l’exploitation, le chargeant de gérer les droits de représentation ainsi que de percevoir et redistribuer les droits d’auteurs dans les mêmes conditions jusqu’en 19477. Associations, patronages…tous les groupes qui désirent représenter la Pastorale doivent donc en faire la demande à Ruat et verser les droits. Ils ont le droit de faire des coupures et des ajouts mais ni emprunts, ni plagiat.

Pastorale Maurel à Allauch en 2023, organisée par le Théâtre du Terroir

Premier acte
Lors du premier acte l’ange annonce la nouvelle aux bergers. Puis s’ensuit une présentation des différents personnages qui met en avant leurs caractères particuliers. L’aveugle à qui le boumian a volé son fils. Le meunier qui n’a comme famille que son âne et son chien (ou presque) Pimpara, le rémouleur qui aime bien lever le coude et caresser la bouteille. Jiget, le bégue et Pistachié le peureux qui se fait embobiner par le boumian à qui il vend son ombre (son âme) contre une bourse d’argent.

Deuxième acte
Le deuxième acte met en scène la divulgation de la nouvelle de la naissance de l’enfant. Les bergers arrivent au village et réveillent Roustido, un vieux vieux garçon, un peu giron, il finira par réveiller son compère Jourdan le mari de Margarido qui souhaite rester jeune. Tout ce raffut fera que Margarido, sa femme, vieille acariâtre qui ne rate jamais une occasion d’engueuler son mari, ne tardera pas à descendre. Les trois vieux réunis partiront vers l’étable sans oublier de répandre la nouvelle au hasard du chemin.

Troisième acte
Tout ce petit monde se retrouve chez Benvengu, maître d’une grande ferme et beau-fils de Jourdan. Il est veuf et chez lui, tout nouvel arrivant est l’occasion de faire la fête autour d’un bon verre de vin. Après quelques agapes, la chute de Pistachié poussé par le boumian dans le puits et l’arrivée de l’ange qui confirme la nouvelle, tout ce petit monde se mettra en route vers la crèche

Quatrième acte
Le quatrième acte est l’adoration. Chaque personnage se présente devant l’enfant Jésus et lui offre son présent. Évidemment quelques miracles s’accomplissent. Margarido et Jourdan se réconcilient, l’aveugle retrouve la vue et le fils que le boumian lui avait volé, le boumian devient gentil et Jiget, le bégue, retrouve une élocution normale. La pièce se termine par un chant, « O rei de glori » dynamique et puissant exprimant toute la joie de ce petit peuple de Provence.

Pastorale provençale au théâtre antique d’Arles

La Maurel et les autres
Si au départ l’argument de la pièce est très fortement imprégné de l’esprit religieux, petit à petit, du fait de la baisse de l’utilisation de la langue provençale, cette Pastorale Maurel revêt un caractère plus culturel voire identitaire. C’est pratiquement la seule pièce qui soit interprétée régulièrement, chaque année à l’époque de Noël, en Provence dans la langue de Frédéric Mistral. Aussi, chaque représentation attire de nombreuses personnes nostalgiques de cette langue, qui ne manquent pas d’amener avec eux leurs enfants voire leurs petits-enfants. Il existe actuellement de nombreuses Pastorales en Provence. De nombreux villages présentent leur propre pièce écrite par un habitant en français ou en provençal ; généralement elles sont jouées par les villageois eux-mêmes. D’autres sont plus connues comme la Pastorale Audibert jouée en costumes bibliques et en français2. Parmi les villages qui perpétuent cette tradition, on trouve notamment la commune de Tourtour (Var), dont les habitants jouent, chaque année, La Pastorale des santons de Provence, d’Yvan Audouard, en langue française.

Le village de Séguret (Vaucluse) est célèbre pour sa pastorale « li Bergié » jouée par les habitants du village chaque année dans l’église le soir de Noël depuis 1960. Concernant les troupes, il s’agit le plus souvent de troupes d’amateurs issues d’un groupe folklorique, qui n’ont que cette pièce dans leur répertoire ou bien de troupes de théâtre le plus souvent théâtre en provençal. Certaines ont leur salle fixe comme la Pastorale de la rue Nau, celle de la salle Mazenod ou encore la Pastorale de Fuveau jouée dans la salle du Cercle Saint-Michel depuis 1877. D’autres représentent un village, comme celle de Chateau-Gombert, et celle d’Allauch interprétée par lou tiatre dou terraire d’alau. D’autres sont nomades et se déplacent comme un cirque, au fil des demandes, comme l’Escolo doù Miejour4 et Lei Viei Pastoureu de Miramas. Ou encore la Pastoureu de Vedeno qui joue depuis plus 100 ans la pièce par une mises en scènes d’Alain Rubis.Mais toutes ont la conviction lors de chaque représentation de défendre une culture et de conserver un lien entre un peuple et sa langue.


SOURCES La Provence & Wikipedia Pastorale Provençale & Wikipedia Antoine Maurel
PHOTOS Rolf Süssbrich & archives non créditées
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