C’est en 1860 que s’ouvre, à la place de l’ancien Casino lyrique de la rue des Jardins (actuelle rue Michel Rondet) à Saint-Étienne, une épicerie dont le couple Guichard prend les commandes en 1892. En 1898, Geoffroy Guichard ouvre une première succursale dans la commune de Veauche à quelques kilomètres de Saint-Étienne. Il fonde, quelques mois plus tard, la Société des magasins du Casino et établissements économiques d’alimentation sur le modèle succursaliste alors en pleine expansion dans le nord et l’est de la France. C’est d’ailleurs pour contrer les vélléités de développement des Docks Rémois sur le territoire stéphanois que Geoffroy Guichard se lance, tout comme d’autres commerçants locaux, dans le système succursaliste. Casino est une société en commandite par actions. Ce statut, largement utilisé par les entreprises familiales au tournant des XIX et XXes siècles, permet aux gérants de garder facilement le contrôle de l’entreprise.
Le nombre de succursales augmente rapidement. En 1904, le Casino célèbre l’ouverture de la 100ème.
Afin de livrer rapidement les nombreux points de vente, des entrepôts ouvrent à Saint-Étienne, Lyon, Clermont-Ferrand et Marseille. Casino met également en place un puissant outil industriel pour la confection des produits de sa propre marque ou de ses déclinaisons. L’entreprise entend ainsi contrôler la qualité des produits qu’elle fabrique comme le chocolat, les confitures, les confiseries, le pain, le café…
Parallèlement, Casino développe des techniques commerciales basées notamment sur la fidélisation de la clientèle via les primes et les objets ou images à collectionner. Dès le début du XXe siècle, des mesures sociales en faveur du personnel sont mises en place. Albert Jacquet, secrétaire général et véritable bras droit de Geoffroy Guichard, place la famille au coeur de la politique sociale avec la création d’une caisse de prévoyance et d’assurance décès, une prime de naissance, une prime aux familles nombreuses, la naissance d’une fondation pour les orphelins de guerre…
Cette politique sociale volontariste doit également être comprise comme un moyen pour l’entreprise de fixer la main d’œuvre qualifiée et compétente.
Par ailleurs, de nombreuses activités sont proposées aux employés en dehors des horaires de travail dans le cadre du cercle du personnel. Des clubs de couture, de musique et de sport sont mis en place.
L’Association sportive du Casino est une association multisports créée en 1912. On y pratique le football, la course à pied, le tennis, la culture physique et le rugby. Elle regroupe les employés et les gérants d’épicerie qui désirent pratiquer une activité sportive. Geoffroy Guichard conçoit le sport comme un moyen pour les “travailleurs de tous âges d’échapper aux plaisirs malsains progressant en valeur morale comme en vigueur et en santé”. Le paternalisme – caractéristique du management des grandes entreprises industrielles du début du XXe siècle – s’exprime ici avec force. Dès 1931, le stade Geoffroy-Guichard est construit pour favoriser la pratique sportive des employés. De cette association naît en 1933 le club de football professionnel de l’Assocation sportive de Saint-Étienne. L’après Première Guerre mondiale est une période de forte expansion pour Casino. Les points de vente se multiplient, le nombre d’employés augmente fortement.
En 1925, l’entreprise prend le contrôle d’une société succursaliste toulousaine, L’Épargne. Par cet achat, le groupe stéphanois rayonne dorénavant sur toute la moitié sud de la France. Les années 1930 voient l’entreprise se structurer avec l’adoption d’une devise et d’une identité visuelle. Le bonhomme Casino, dessiné par Cassandre, représente un épicier qui tient dans une main le globe et de l’autre une balance. Il s’agit de la déclinaison graphique de la devise “Je suis partout, je vends de tout”. Geoffroy Guichard décède en 1940. Les responsabilités de l’entreprise sont alors pleinement assumées par ses fils et son gendre. Antonia Perrachon prend, et jusqu’à son décès en 1957, la présidence du Conseil de surveillance. Après guerre, Casino entreprend une grande opération de modernisation de son système de distribution en partie inspirée du modèle anglo-saxon. Le libre service est inauguré en 1948 dans le magasin principal de la rue Michel Rondet à Saint-Étienne. Ce modèle est progressivement étendu à l’ensemble des succursales. Parallèlement, le principe de la tournée se développe dans les zones rurales. L’évolution commerciale de Casino se poursuit dans les années 1960 et 1970 avec le développement tout d’abord des supermarchés puis des hypermarchés. A la fin des années 1970, l’entreprise lance son expansion à l’international. Elle ouvre des cafétérias sur la côte ouest des États-Unis puis très vite des magasins de proximité. Face à la concurrence du secteur de la grande distribution, Casino renforce son implantation en France, jusqu’à lors limitée à la partie sud. L’entreprise mène également dans les années 1980 une politique de rachat de concurrents comme la Cédis et La Ruche méridionale. Pour renouveler son image, Casino modernise son réseau de proximité. La société Spar est créée en 1996 et en 1997, le groupe entre au capital de Monoprix-Prisunic. Grâce à la prise de contrôle des enseignes Franprix et Leader Price, Casino devient le premier distributeur à Paris et l’un des leaders de la distribution en France. En 1997, Casino fait face à une offre publique d’achat du groupe de grande distribution Promodès. Casino repousse cette offre grâce au concours de Jean-Charles Naouri à la tête de la société Rallye. Il devient alors actionnaire majoritaire de l’entreprise.
En 1998, Casino reprend sa politique de conquête internationale en s’orientant essentiellement sur l’Amérique latine et le sud-est asiatique. Antoine Guichard, petit-fils du fondateur de l’entreprise, cède la présidence du Conseil de surveillance à Jean-Charles Naouri en 2003. Ce dernier devient alors président du Conseil d’administration puis est nommé Président directeur général en 2005. La famille Guichard n’a plus alors qu’un pouvoir honorifique.