Marseille, située en bord de mer et enserrée dans les collines, n’est traversée que par un fleuve au débit faible et très irrégulier, l’Huveaune, et son affluent le Jarret, canalisé dès le xive siècle, mais devenu avec le temps une sorte d’égout à ciel ouvert. Jusqu’au xixe siècle, la ville ne disposait que de puits pour son alimentation en eau — on en dénombrait 10 000 à 12 000 à la fin du xviiie siècle. Le ruisseau des Aygalades (fleuve-côtier) – dit aussi Caravelle – traversant également Marseille au nord de la Ville fut aussi transformé en égout. Ainsi, l’eau était de plus en plus polluée et une part grandissante en était perdue en raison de l’absence d’entretien du réseau de distribution. Pourtant, les épidémies accompagnant les sécheresses sévères faisaient des ravages. En période difficile, le débit de l’Huveaune permettait d’utiliser 75 litres d’eau par personne et par jour. Mais en 1834, il s’assécha pratiquement et on ne disposait plus que d’un seul litre par personne et par jour. La croissance démographique rapide de la ville (140 000 habitants en 1830) et surtout l’épidémie de choléra de 1832-1835 convainquirent les élus d’agir pour restaurer la salubrité et assurer l’approvisionnement en eau de la ville. Le maire de Marseille, Maximin-Dominique Consolat, propose en 1835 la construction d’un canal amenant l’eau de la Durance à Marseille : « Il faut construire le canal quoi qu’il advienne quoi qu’il en coûte »
Le canal de Marseille allait ainsi devenir la principale source d’approvisionnement en eau potable de la ville de Marseille.
D’une longueur de 80 kilomètres pour sa partie principale (160 kilomètres avec les dérivations dans la ville), il dessert l’intégralité des quartiers marseillais. Il représente une réalisation marquante de l’ingénierie du XIXème siècle en cumulant de très nombreuses infrastructures, ponts, tunnels, réservoirs, etc… Une des principales difficultés était de faire traverser au canal la vallée de l’Arc, dont l’altitude est inférieure à 100 mètres entre Aix-en-Provence et l’étang de Berre. En 1839 et 1840, les sondages et les recherches de carrières sont menés afin de s’assurer de la disponibilité et des coûts de la pierre et de la chaux. L’adjudication des travaux est faite en 1840, un an plus tard débutent des travaux. Ceux-ci se déroulent sous la direction de suisses, l’ingénieur en chef de Montricher secondé par William Fraisse. Ils mobilisent 5 000 ouvriers dont 300 travailleurs de la pierre. Les blocs pouvant peser jusqu’à 15 tonnes proviennent de deux carrières de pierre du village de Velaux, ils sont transportés jusqu’au chantier de l’aqueduc grâce à une voie de chemin de fer de 9 km créée pour ce chantier.
La construction s’avère plus complexe et plus coûteuse que prévu. Les entrepreneurs réclament alors la résiliation des contrats mais le ministre des Travaux publics, Jean-Baptiste Teste, ordonne la poursuite des travaux le 16 avril 1842. Mais les entrepreneurs obtiennent que ceux-ci se fassent alors en régie. En mai 1847 le pont-aqueduc est terminé ; le 30 juin, l’eau de la Durance franchit pour la première fois le pont-aqueduc. Alphonse de Lamartine, ministre des affaires étrangères, le qualifie de merveille du monde. Le parement brut est une caractéristique de l’édifice :
« par mesure d’économie dans la taille, les parements visibles des pierres principales ont été laissés bruts et font saillie sur le nu des murs, en produisant des effets d’ombre et de lumière qui dessinent énergiquement la vigoureuse ossature de la construction ».
En 1971 deux conduites superposées de 1 mètre de diamètre sont posées dans le passage du troisième étage pour augmenter la capacité de transit à 4,4 m³/s. En 2005, l’aqueduc de Roquefavour est classé monument historique. L’eau arrive le 19 novembre 1849 à Marseille au plateau Longchamp à la cote 150 m. De 1854 à 1869, 77 km de canalisations et de nouveaux bassins réservoirs sont construits permettant l’accès à l’eau sur l’ensemble du territoire de Marseille, incluant les communes avoisinantes. Avec la construction du canal et malgré un doublement de la population en 40 ans, les 321 000 Marseillais disposent en 1876 de trente fois plus d’eau par jour et par habitant : 370 litres pour l’usage domestique et 660 litres pour les activités industrielles.
Jusqu’en 1970, il fut la source quasi unique d’alimentation en eau de la ville de Marseille et en fournit encore les deux-tiers de nos jours.