Selon un récit de Thierry Garcia, spécialiste de ce territoire du Roy d’Espagne, cette immense propriété avait appartenu, à partir de 1799, au notaire marseillais Gabriel François Dageville (1761-1843), déjà détenteur du futur domaine du “roi d’Espagne” mitoyen à l’Est. L’homme, également, avocat au parlement de Provence, aura laissé de son vivant 4 œuvres encore disponible à la Bibliothèque Nationale de France dont le terre à terre “Code de commerce, expliqué par la jurisprudence (1823)” et un récit plus poétique avec la fable “Le Lys et le Frelon” ! Deux ans avant la construction du Château du Roi d’Espagne, en 1802, son épouse, la parisienne Jeanne Dagueveille, née Vijou, va y accueillir le peintre néo classique Pierre Maurice Quay (exposé au Musée Granet d’Aix-en-Provence), ainsi que le philosophe Alexandre Hue. La demeure appartiendra également à Guillaume de Paul. Ce lieutenant général civil et collectionneur d’art, un temps échevin de Marseille, possédait un cabinet de curiosité de renom dans son hôtel particulier du 53 rue Grignan.
Le négociant Etienne Musso construit le château de Stampino à Andora (Ligurie) avant d’acquérir en 1820 cette propriété marseillaise dépendant à cette époque du quartier de Montredon. La famille conserva le domaine durant un siècle et fit bâtir à la place de la modeste bastide à simple étage, un imposant château à trois niveaux réhaussé d’une terrasse à balustres. La demeure passera par héritage aux descendants, Jacques et Hippolyte Musso, puis à Isabelle Musso, veuve Moreno, en 1910. Le parc servit de terre d’accueil à l’hôpital général n°2 de l’armée australienne pendant la première guerre mondiale. Cet hôpital est arrivé à Marseille en provenance d’Egypte le 1er avril 1916 avec un personnel infirmier de 115 personnes.
Dans un livre la sœur Olive Haynes évoque le château Musso “This is a beautiful country sort of place and near the sea, too. We are right in a sort of pine forest.” traduit en “C’est un endroit magnifique à la campagne et près de la mer aussi. Nous sommes dans une sorte de forêt de pins”.
Récit traduit de l’australien Percy Alfred Peachey :
“Le lundi 3 avril, nous sommes arrivés tôt au quai et au déchargement. Nous avons eu de la pluie pendant la journée également et je suis parti à 16 heures avec la réception pour l’hôpital de Moussot -6 milles. Je suis allé en ambulance et la route a d’abord contourné les quais et traversé une partie de la ville. Au début, les rues étaient étroites et animées et toutes pavées. Il y avait une bonne pincée de robes noires. Nous avons soudainement couru sous une belle et grande arche et la route s’est soudainement élargie en un beau boulevard avec les arbres éclatant en feuilles. C’était l’un des plus beaux sites que j’aie jamais vu. Cette avenue s’étendait sur environ deux miles et avait une grande fontaine à mi-chemin sur sa longueur. C’est environ 45 pieds de diamètre et a une colonne haute au-dessus des chiffres formant la base. Il est blanc et apparaît au-dessus de la cime des arbres sur un long chemin. Nous avons scié cette avenue et le long du bord de l’eau pendant un certain temps, puis avons pris une ruelle étroite qui faisait des allers-retours sur près d’un mile, puis avons couru dans le domaine du château où se trouve l’hôpital.
Il est niché au pied de grandes collines calcaires et l’ensemble est très joli. Les collines montrent leurs arbres verts coupés les uns contre les autres et le ciel. Le soir un nuage de brouillard s’installe sur les sommets et achève une vue qui durera longtemps. Des collines, une vue magnifique est à avoir. Au large, il y a quelques îles et le soleil se couche sur celles-ci et montre ce qu’il peut faire dans ces lignes. Les collines sont couvertes de bois broussailleux, un peu comme notre arbre ti et plusieurs autres buissons indigènes. Le thym sauvage actuellement abonde aussi et est en fleur et sent bon”. Une autre source fait également mention de l’utilisation du domaine comme camp de repos en 1914 pour l’armée écossaise et indienne. Le château sera ensuite acquis par les Jourdan-Barry, armateurs maritime, collectionneurs d’art, ayant fait don de 80 pièces de faïences de grande valeur au Musée de la Faïence. Un boulevard du 8ème arrondissement porte depuis 2000 le nom de Mireille Jourdan-Barry. La famille également propriétaire un temps du Château St Anne au 300 Bd Michelet fut aussi détenteur du domaine du Roi d’Espagne accolé depuis 1923.
Le château aurait été un temps squatté par une famille de gitans, selon un récit d’un certain Ch. Nicolas datant de 1968. Celui-ci évoque les deux entrées de la propriétés, celle du Roy d’Espagne et celle de la Traverse Pourrières. On trouvait notamment sur le domaine une tour, certainement un pigeonnier, ainsi qu’une maison de jardinier. Une allée de pins majestueux bordait la voie d’accès au château mais ils n’auraient pas survécus au froid et aux travaux d’aménagement du quartier. Le domaine accueillait également des fermettes maraîchères, celles de Mr Gervasone et Lerda ainsi que celle de Mr Gobert ou encore la ferme Fina et Gobert. On trouvait également les fermes Santi et Stable, près d’une ancienne piste d’entraînement d’une société hippique.
Le château Musso fût détruit quelques années (1962-1963) après la vente en 1958 par Mireille et Odette Barry pour 295.000.000 fr à la Caisse des Dépôts et Consignation. Une cession qui concernait ce domaine mais aussi de celui du Roy d’Espagne dont le château aurait été détruit par les allemands dès 1942. Aujourd’hui au 17 rue Velasquez, l’emplacement approximatif du château Musso, se trouve une des tours du lotissement du Roy d’Espagne.