Ces ivoiriers marseillais aux techniques brevetés, sculpteurs et lauréats de l’école des beaux-arts et de la société des architectes étaient également tourneurs et tabletiers. Ils fabriquaient des poignées ivoire pour cannes, parapluies, ombrelles, parasols et colliers. Une de leurs spécialités était la création de jeux en ivoire et notamment des boules de billard très en vogue à cette époque. Les toutes premières boules de billard de l’histoire furent réalisées en bois et en argile mais résistent mal à l’usure. Les personnes plus riches préfèrent alors les boules en ivoire, plus résistantes, lisses et élastiques, qui apparaissent à partir de 1627 et dont l’utilisation se poursuit jusqu’au xxe siècle. En 2016 lors d’une vente aux enchères à Marseille fut proposée pour un prix de 600 € une mascotte automobile de 15 cm figurant une tête de sphinx ailé en bronze avec le visage en ivoire sculpté, années 1920, signée, Jean et René Sertorio.
En 2018 à Avignon, autre vente, autre objet de l’atelier en photo ci contre, daté de 1930, de 17 cm de hauteur, un petit éléphant en bronze à patine dorée jouant avec une balle en ivoire, muni de défenses en ivoire, le tout reposant sur un socle en marbre. Il sera vendu 430 €.
L’ivoire d’éléphant a été exporté d’Afrique et d’Asie depuis des siècles, atteignant des records au xive siècle av. J.-C. Après la colonisation de l’Afrique, l’ivoire a été exporté, souvent grâce à l’esclavage pour son transport, afin de servir de matière première à la fabrication de touches de piano, des fameuses boules de billard et d’autres objets exprimant l’exotisme et le raffinement.
Les chasseurs d’ivoire furent responsables de la disparition des éléphants en Afrique du Nord il y a environ 1000 ans, dans la plus grande partie de l’Afrique australe au xixe siècle, et de la plupart de l’Afrique de l’Ouest à la fin du xxe siècle. Au plus fort de ce commerce, pendant la colonisation de l’Afrique, entre 800 et 1 000 tonnes d’ivoire étaient envoyées en Europe chaque année. Les guerres mondiales et les dépressions économiques qui ont suivi ont été à l’origine d’une trêve dans le commerce de ce produit de luxe, avant de connaître de nouveau la prospérité au début des années 1970. Le Japon, déchargé de ses restrictions commerciales imposées après la Seconde Guerre mondiale, commença à acheter de l’ivoire brut. Ceci eut pour effet d’accroître la pression sur les éléphants de forêt d’Afrique et sur les éléphants d’Asie, les deux espèces privilégiées pour fournir les japonais qui préféraient leur ivoire, plus dur, pour fabriquer des hankos, sceaux utilisés pour signer des documents, des estampes et des correspondances.
En France, le commerce de l’ivoire est interdit depuis l’arrêté du 16 août 2016, exception faite des objets travaillés datant d’avant le 1er juillet 1975, date d’entrée en vigueur de la convention de Washington. Quant au local de la rue Pollak à Marseille il accueille de nos jours des ateliers de stockage et un restaurant.