Cet immeuble de 1692 est le plus ancien de la rue Saint Ferréol. En 1913, Henri Dobler décrivait ainsi son décor : «L’angle sur la rue de la Darse est constitué par deux pilastres vigoureusement cannelés avec d’admirables chapiteaux corinthiens qui sont raccordés au toit par une petite frise à rinceaux et une curieuse gargouille… seul[e] de son espèce à Marseille.» Bâtie par le maître menuisier Pierre Maurin (1656-1726), époux en 1678 de Marguerite Blanc, fille de rentier qui lui apporta 3 000 livres de dot, la maison doit probablement la présence de cet ornement de bois sculpté à la profession, et peut-être à la main même de son commanditaire. Elle passa ensuite à Joseph, fils aîné de Pierre, et sortit de la famille Maurin avant la Révolution pour entrer dans celle des Magniol de Taurenne qui y établit un hôtel de voyageurs, puis aux frères Fabry et à leurs descendants (1825-1910).
Le café-concert le Wauxhall, déménagera en 1822, de la place Royale, actuelle Place du général-de-Gaulle pour cet immeuble de la rue Davso…Après la Révolution, on entreprit à Marseille la construction de ce café dont l’utilisation dépassa le cadre de la simple restauration. Le lieu était à l’origine une salle de concert dans laquelle siégea en 1793 l’une des sections communales de Marseille. Il deviendra le Pavillon Chinois en 1795, puis le Wauxhall en 1805. Après son déménagement il sera scindé en deux dont une partie deviendra en 1841 le Café des Variétés. Un arrêté du 18 janvier 1794 ordonna que les repaires où se tenaient les assemblées des sections et du comité général seraient rasés, et qu’un poteau rappelant leur révolte serait dressé sur le terrain qu’ils occupaient. L’édifice fut aussitôt abattu.Sur ses bases, on édifia en 1795 un bâtiment circulaire qui prit le nom de « Pavillon Chinois ». Se terminant par un toit en forme de cône, les habitants de Marseille eurent tôt fait de le surnommer lou Pounchu (« le pointu » en provençal). Élégamment décoré et mis en valeur, le café était le lieu de rendez-vous du Marseille élégant et raffiné. On avait coutume de s’y rendre après le spectacle pour y jouer au loto ou au billard. À partir de 1805, même si l’appellation Pavillon Chinois persistait, on se mit à le nommer Wauxhall.
La clientèle se dégrada du tout au tout au fil des années et le Wauxhall attira de plus en plus des gens peu recommandables et des femmes de mœurs légères. Les marins de passage et les ouvriers constituaient l’essentiel de la clientèle. Il s’ensuivait vols, bagarres, insultes, le tout sous le regard d’une police fermant les yeux, quand elle n’était pas complice.
Un arrêté promulgué en 1821 interdit aux femmes publiques de fréquenter d’autres cafés et cabarets que le Wauxhall. La mesure semblait avoir pour but de canaliser la prostitution marseillaise, en la concentrant au même endroit. La mesure, bien sûr, fut rapidement contournée par les cafés alentour qui l’oublièrent bien vite, même au risque d’amende. Mais les contrevenants ne subirent aucun poursuite. En 1822, dans le but d’agrandir la place Royale, la mairie racheta le Pavillon Chinois. Son directeur, François-Xavier Bénétruy reçut l’autorisation de transférer l’établissement au 31-33 rue d’Albertas, aujourd’hui le 12 de la rue Davso. Le nouveau Wauxhall en profita pour s’embellir encore. Mais sa clientèle demeura la même. Des individus de toutes nationalités (Anglais, Néerlandais, Catalans, Génois, Turcs, Grecs) venaient y boire ou jouer au billard, au son de l’orchestre de Pascalini. En 1833, l’Album des étrangers en donna cette description : « Mauvais lieu dansant et causant, fréquenté par les voluptueux de bas étage, où la corruption n’est pas assez forte pour soulever le cœur, ni assez poétique pour intéresser ». La mairie fut rapidement embarrassée par le lieu qui lui attirait les foudres du Marseille bien-pensant. D’autres arrêtés furent promulgués mais le Wauxhall parvint à se maintenir, malgré l’interdiction qui lui fut faite d’accueillir des femmes publiques et des soldats. De plus, la mairie imposa au propriétaire d’entretenir des forces de gendarmerie spécialement affectées à la surveillance du Wauxhall. En 1841, le fonds fut racheté par Maurice Mannarin, qui décida de scinder l’établissement en deux parties : le Café des Variétés, qui présentait de petits spectacles, et le Wauxhall proprement dit, qui gardait sa fonction de salle de danse. Cette décision lui évita la faillite car, l’année suivante, la mairie ordonna la fermeture du Wauxhall, trop embarrassée par la réputation sulfureuse de l’endroit. Le Café des Variétés, lui, exista jusqu’à la fin du Second Empire.
Ce bâtiment a ensuite accueilli le siège du Journal le Petit Provençal, ancêtre de La Jeune République…c’était un quotidien populaire de Marseille fondé en 1873 par Léo Taxil (1851-1907), qui deviendra ensuite Le Provençal sous Gaston Defferre et ensuite La Provence en 1997 après sa fusion avec le journal Le Méridional contrôlé également par l’ancien maire de Marseille.