Fontaine des Danaïdes par Jean Hugues, 1893-1913 !

Square Stalingrad, 13001 Marseille
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Fontaine des Danaïdes par Jean Hugues, 1893-1913 !
Arrondissement : 1er
La fontaine des Danaïdes a été construite à partir de 1893 sur le cours du Chapitre, aujourd’hui Square Stalingrad…c’est le seul monument public érigé par la Ville à cette époque-là, il est également le seul à n’avoir jamais connu d’inauguration officielle, et voici pourquoi !

Au Salon des artistes français de 1903, Jean Hugues (1849-1930) expose un groupe en plâtre intitulé Les Danaïdes, un ensemble décoratif formant une fontaine. L’iconographie mythologique illustre, de façon synthétique, le destin des cinquante filles du roi Danaos condamnées à remplir un tonneau sans fond pour expier le meurtre de leurs époux au cours de leur nuit de noce. La présentation du plâtre constitue le premier pas en vue d’une commande ferme. De fait, le sculpteur en sollicite l’achat auprès de l’État, moyennant 40 000 francs-or. Le ministre de l’Instruction publique et des Beaux-Arts accepte l’acquisition à la condition qu’une commune fasse compte à demi avec l’État. Hugues propose donc son œuvre à sa ville natale qui, sensible au partenariat financier, répond favorablement le 5 novembre 1904.

Le Conseil municipal prévoit d’élever le groupe des Danaïdes sur la place du Chapitre, jusqu’alors simplement animée d’un jet d’eau au centre d’un bassin fleuri.

Néanmoins, lorsqu’en avril 1907 le statuaire annonce l’achèvement de la fontaine, aucune disposition n’a encore été prise pour aménager le site ; les travaux ne débutent pas avant la fin septembre. Finalement, à la mi-décembre, tout semble prêt pour une inauguration solennelle. Toutefois, le financement conjoint du monument rend obligatoire la présence d’un membre du gouvernement à la cérémonie. Or, les élus marseillais s’avèrent incapables de réunir les officiels requis. Le 19 septembre 1913, le maire Amable Chanot écrit une nouvelle fois au malheureux artiste : « Le séjour de M. Poincaré à Marseille sera de trop courte durée pour qu’on puisse espérer qu’il y soit ajouté l’inauguration de la fontaine des Danaïdes. ».

Ainsi, le seul monument public érigé par la Ville à cette époque-là est-il également le seul à n’avoir jamais connu de consécration. De nos jours c’est peut-être sa revanche, c’est l’une des rares fontaines à Marseille coulant quasiment en continu, mise à part les jours d’entretien ! Elle ceinture joliment plusieurs fois par semaine le marché aux fleurs et a donné son nom à une Brasserie limitrophe.

Son sculpteur, Jean Baptiste Hugues

Jean-Joseph Weerts, Portrait de Jean-Baptiste Hugues dans son atelier, 1890, huile sur panneau, collection particulière

Né à Marseille le 15 avril 1849 et mort à Paris le 28 octobre 1930, Dominique Jean-Baptiste Hugues est le fils de Jean François Hugues et d’Ursula Anne Guien. Il est élève d’Antoine Bontoux à l’École des Beaux-arts de Marseille, puis d’Auguste Dumont et de Jean-Marie Bonnassieux aux Beaux-Arts de Paris. Par deux fois, il est lauréat du second prix au concours de Rome en 1872 et 1873, et obtient le grand prix de Rome de sculpture en 1875 avec le bas-relief en plâtre Homère, accompagné de son jeune guide, chante ses poésies dans une ville de la Grèce. Il est pensionnaire de la villa Médicis à Rome de 1876 à 1879 et obtient ses premiers succès au Salon avec Le Baptême du Christ (1878) et Jeune femme jouant avec son enfant (1880). De retour en France, il triomphe au Salon de 1882 avec Œdipe à Colone ainsi qu’à l’Exposition universelle de Paris de 1889 et à celle de 1900. En 1897, il est nommé professeur de modelage à l’École nationale supérieure des beaux-arts et membre du Conseil supérieur de l’enseignement en 1905. Il acquit de son vivant une honnête renommée, ses œuvres exposées au Salon étaient toujours commentées par les critiques et littérateurs de l’époque. Son œuvre aborde avec le même élan le décor monumental aussi bien que la statuaire, le bibelot et l’édition d’art, la polychromie ou l’Art nouveau. Travaillant essentiellement pour des commandes de l’État ou de riches particuliers, il a réalisé plusieurs sculptures d’extérieur comme le Monument au chevalier Roze à Marseille, La Fontaine des Danaïdes square Stalingrad à Marseille, ou ornementales comme La Gravure à la Bibliothèque nationale de France, des frontons et bas-reliefs pour des monuments tels que le Petit Palais à Paris. Son travail très diversifié s’illustre par des bustes, des fontaines ou des plafonds de grands restaurants parisiens. Jean-Baptiste Hugues est nommé chevalier de la Légion d’honneur le 29 octobre 1889 ; la décoration lui est remise par le peintre Jean-Joseph Weerts. Il est promu officier du même ordre le 30 mai 1903.

Le mythe des danaïdes, l’histoire (quasi) complète

Le mythe des Danaïdes remonte probablement au Catalogue des femmes du pseudo-Hésiode. Il est également le sujet d’une épopée entière, la Danaïs, aujourd’hui perdue ; seul un fragment montre les Danaïdes s’armant sur les bords du Nil, probablement pour combattre leurs cousins. On sait que Phrynichos est l’auteur de deux tragédies, Les Égyptiens et Les Danaïdes ; le seul passage conservé montre Égyptos venant à Argos avec ses fils. La version du mythe telle que nous la connaissons est principalement issue de la tétralogie d’Eschyle : Les Suppliantes, Les Égyptiens, Les Danaïdes et Amymoné (drame satyrique). Après la mort de Bélos, Égyptos, frère de Danaos et roi d’Arabie, s’empare de l’Égypte, à laquelle il donne son nom ; il presse alors son frère d’unir ses filles à ses fils (également au nombre de cinquante), afin d’éviter des guerres de succession. Mais un oracle révèle à Danaos que l’intention des fils de son frère est de tuer ses filles après les noces ; il décide donc de s’enfuir avec elles et parvient jusqu’à Argos, où il devient roi avec l’appui d’Athéna (selon Eschyle, cette fuite n’était provoquée que par l’aversion des Danaïdes pour un mariage contre nature avec leurs cousins.)

Les Danaïdes par John William Waterhouse, 1903

Cratère a volute apulien (Musée archéologique de Tarente). Les fils d’Égyptos se rendent néanmoins jusqu’à lui, sur l’ordre de leur père, et finissent, sous la menace d’un siège, par le faire revenir sur son refus de leur donner ses filles en mariage. Le soir des noces, craignant toujours que se réalise la prédiction de l’oracle, Danaos ordonne à ses filles de cacher dans leurs cheveux une grande épingle dont elles se serviraient pour percer le cœur de leurs maris dès qu’ils dormiraient. Toutes obéissent sauf une, Hypermnestre, qui sauve son époux Lyncée et l’aide à s’enfuir. Par la suite, celui-ci revient et se venge en tuant les coupables ainsi que Danaos. Lyncée et Hypermnestre règnent alors sur Argos. Dans la tradition tardive, arrivées aux Enfers, les Danaïdes sont jugées et précipitées dans le Tartare, condamnées à remplir éternellement des jarres percées. Ce châtiment est resté célèbre par l’expression du « tonneau des Danaïdes », qui désigne une tâche absurde, sans fin ou impossible, comme dans Le Raseur (Caractère XX) des Caractères de Théophraste ou Ischomaque dans l’Économique de Xénophon. Dans le Gorgias de Platon, celui-ci use de l’image des Danaïdes afin d’opposer la vision du bonheur de Socrate et celle de Calliclès. Socrate, par l’image du tonneau, montre que laisser libre cours à ses désirs, c’est se condamner à une éternelle frustration, ce à quoi Calliclès répond : « Quand le tonneau est rempli, on n’a ni joies ni peines, mais ce qui fait l’agrément d’une vie, c’est d’y verser le plus possible »


SOURCES Wikipédia Jean-Baptiste Hugues & Wikipedia DanaïdesLaurent Noet
PHOTOS Dominique Milherou Tourisme-Marseille.com & Jean-Joseph Weerts, Portrait de Jean-Baptiste Hugues dans son atelier, 1890, huile sur panneau, collection particulière & Archive non créditée & Les Danaïdes par John William Waterhouse, 1903
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