Le Grand Vide, Épisode 5, La Ville Élastique

La Canebière, 13001 Marseille
1267
Le Grand Vide, Épisode 5, La Ville Élastique
Arrondissement : 1er
le-grand-vide-marseilleComment Marseille a perdu sa Vieille-Ville ? L’association Les Labourdettes nous propose un feuilleton historique inédit, une balade en photographie sur 110 ans d’Histoire méconnue du centre-ville de Marseille, un mystère urbain qui méritait un décryptage par l’image les mots…et la marche !

Créée en 2002 la très active Association des résidents du Square Belsunce « Les Labourdette » a pour objet la valorisation des immeubles dits  » Les Labourdettes « mais aussi la défense du patrimoine architectural, individuel et collectif dans le cadre de la Z.A.C de la Bourse et la recherche d’une meilleure qualité de vie au sein de cette zone avec l’organisation notamment de rendez-vous culturels, de rencontres et d’actions et projets citoyens.


LE GRAND VIDE | ÉPISODE 5 | LA VILLE ÉLASTIQUE


Pour la première fois dans notre feuilleton nous allons nous servir d’un plan tout en sachant à quel point la lecture d’une telle source historique est étrangère à beaucoup d’entre nous. Seul le plan est capable de faire apparaître la vaste échelle du système abstrait des îles urbaines et leur extension projetée sur toute la Vieille Ville de Marseille dés 1848. Le voici qui nous nargue dans sa fixité immuable :

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Nous voyons le système des îles, des blocs dessinés en rouge par dessus les rues et les maisons héritées devenues pointillés, disparaissant dans les plis du papier. Ce quadrillage rouge existe dans la tête de Pascal Coste l’architecte du Palais de la Bourse mais aussi dans la tête de ses commanditaires dés 1848, dés les événements révolutionnaires. Ces îles rouges sans temporalité représentent une utopie, celle de la ville élastique et ce n’est pas qu’une chanson. Nous voyons aussi une île pleine et rouge c’est le futur Palais de la Bourse. Le mince trait bleu qui l’ entoure dessine les trois rues à créer qui isolent cette première île. Dessous toutes les rues du Vieux-Marseille seront sacrifiées au processus portuaire et industriel :

« immobiliser le moins de temps possible le capital investi sous forme de marchandises implique l’élimination de tout ralentissement  » dit Alèssi Dell Umbria dans son histoire universelle de Marseille » (Agone, 2006)

Pascal Coste avait conçu son bâtiment avec un arrière doté d’une entrée monumentalisée celle du tribunal de commerce. Pascal Coste conçoit donc l’extension de la bourse vers l’arrière, vers le nord comme les bassins du nouveau port. Sa nouvelle église Saint Lazare est désorientée comme la cathédrale. Vers le nord est une élasticité économique et religieuse, l’architecte a bien en tête le système des îles et sa continuité.


Gravure extraite du journal l’Illustration, pose de la première pierre de La Bourse

La première maison située à l’intérieur de la Vieille-Ville qui a été détruite le fut après l’enquête publique du 8 janvier 1852 qui suivait le décret :

« Article 5 : La Chambre de Commerce de Marseille est autorisée à acquérir par voie d’expropriation pour cause d’utilité publique les propriétés particulières sur l’emplacement destinéà la construction de la Bourse. Fait à l’Elysée National, le 15 décembre 1851 signé L.N.Bonaparte ».

Cette première maison fut démolie pour installer la tente dans laquelle eu lieu la pose de la première pierre par Napoléon 3 le 26 septembre 1852.

Elle correspond à la parcelle 42, située sur La Canebière, à l’angle Sud-Ouest de la façade du palais actuel.

Après cette opération de communication, les travaux reprennent en 1854, les maisons et les 6 rues correspondant à l’emprise du palais sont démolies. Le palais est inauguré le 10 septembre 1860.

Un portrait photographique du palais datant de 1860, par Adolphe Braun, photographe officiel de Sa Majesté l’Empereur et une gravure du journal l’Illustration représentant l’arrivée de l’Empereur pour le banquet inaugural figent les canons de représentation frontale du monument sur la Canebière avec sa place de guingois, ses noms et ses sculptures instables.

Comment représenter le tricot urbain formant la Vieille-Ville et dont la première maille vient de sauter ?


Pour comprendre et représenter la ville élastique il faut repartir de la Bourse. Comment imaginer raser pour la première fois la vieille-ville ? Raser l’avant temporel et l’araser physiquement, tout mettre à plat  ? Ce n’est pas concevable.

Qu’est ce qui a été plus fort que le sacré de la ville ancienne et mémorielle dès 1848 ? Quand le projet est né seule une force qui tire le tissus de la ville dans des sens inconnus, qui en agrandit les possibles, peut produire une telle force dans les neurones des vivants. En 1850 ce qui étire la ville c’est la gare et l’arrivée du train sur un plateau lointain et sur-élevé, Saint-Charles. C’est aussi l’arrivée de l’eau douce qui se fait sur un autre plateau, lointain et sur-élevé, Longchamp.

Ces deux étirements ne sont pas très déterminant car ils ne touchent pas la vieille ville, ils sont encore dans la logique des faubourgs. Le dédoublement du port en revanche touche le cœur de la Vielle-Ville :  les nouveaux bassins qui se déroulent en processus vers le nord inventent par inversion le vieux port. Il n’était pas vieux avant 1850.

Photographie de Camille Brion extraite de l’album  » offert à Melle Marie Favart souvenir de Marseille Août 1869 par E Bellevaut directeur du gymnase. »

Il était le port singulier et majuscule maintenant il est vieux et sa fonction de place centrale urbaine affirmée en 1666 se marginalise en monument historique visitable. Il est un rien maritime et symbolique. C’est le modèle autour duquel tourne la modernité.

Même les photographes ne peuvent représenter cet agrandissement de la fonction portuaire. Le panoramique des nouveaux bassins portuaires réalisé par Camille Brion a besoin de 5 photos pour y parvenir. Il trouve alors cette synthèse visuelle ci dessus : une photographie filaire de la Canebière, la bourse y disparait pour que le vide urbain tombe dans la saturation du port et la liquidation d’une maison de commerce.

Edouard Baldus lui aussi s’y casse les dents en 1861, ses ports se diluent. Camille Brion se sort de l’impossible représentation avec cette photographie du vieux-port saturé et la liquidation de la maison Roger Prat.


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