
Sorti en avril 2025, un passionnant et très émouvant documentaire du journaliste Gilles Rof remet en lumière une histoire en partie marseillaise tombée dans l’oubli, liée à la cause arménienne et aux conséquences du traumatisme du génocide de 1915…le 6 février 1980, Max Hraïr Kilndjian, un buraliste marseillais sans histoire installé sur la Canebière, devient le visage du terrorisme arménien après son arrestation pour un attentat raté contre Doğan Türkmen l’ambassadeur de Turquie à Berne en Suisse qui s’en sortit avec des blessures légères. Fils de rescapés du génocide de 1915, Kilndjian incarne une génération d’Arméniens d’origine qui recourent à l’action armée pour revendiquer la justice. Son procès de 1982 à Aix-en-Provence devient une tribune politique contre la Turquie…partout dans le monde des manifestations, des soutiens et des voix s’élèvent avec ce message « Libérez Kilndjian !« …deux mots qui apparaîtront partout à Marseille et sa région, tagués sur les murs, les panneaux de signalisation. Libéré, il voit ses revendications validées bien que le terrorisme arménien perdure, culminant avec l’attentat d’Orly le 15 juillet 1983 qui fera huit morts.
Le documentaire « Terrorisme Arménien : des procès pour l’histoire » fait parti de la collection « 75/95 : Le Choix des armes« , 6 documentaires de 52 minutes. FLNC, ASALA, GAL, CRAV, GIA, Loups noirs d’Alsace…autant d’acronymes synonymes d’attentats qui nous renvoient à un temps ancien, qui n’en reste pas moins vif dans les mémoires. Autant de prises d’otages et de crimes, qui font froid dans le dos et ont profondément marqué les esprits. Mais aussi les territoires.
De 1975 à 1995, ces groupes radicaux ont multiplié les actions militantes : attentats à la bombe, attaques à main armée, incendies. Mais comment expliquer que ces jeunes femmes et hommes aient franchi le pas ? Qu’est-ce qui pousse des individus, à priori sans histoire, à prendre tous les risques pour défendre leurs idéaux ? Quitte à y perdre la liberté…voire la vie. Une collection de documentaires pour explorer les rouages de ces passages à l’acte, mieux cerner les causes sociologiques, politiques, culturelles de leurs engagements.

La famille Kilndjian
« Terrorisme Arménien : des procès pour l’histoire » revient d’abord sur 1975, année où le terrorisme arménien frappe les intérêts et les diplomates turcs dans le monde, mais reste insaisissable. En février 1980, l’opinion publique française peut enfin lui donner un visage : celui de Max Hraïr Kilndjian. Moustache, lunettes fumées, air paisible, ce buraliste marseillais de 38 ans est arrêté pour sa participation à un attentat – raté – contre l’ambassadeur de Turquie en Suisse. Fils de rescapés du génocide de 1915, Kilndjian symbolise parfaitement une génération d’Arméniens d’origine qui ne supporte plus le négationnisme turc et voit dans l’action armée la seule issue. Son arrestation déclenche une formidable mobilisation dans la diaspora, aux cris de « Libérez Kilndjian ! ». Et son procès en janvier 1982 se transforme en une tribune politique où la Turquie est, pour la première fois, publiquement mise en accusation. Parallèlement, l’ASALA, armée secrète arménienne de libération de l’Arménie, multiplie les attentats. Quelques mois après l’élection de François Mitterrand, premier président arménophile, à l’Élysée, la cour d’assises des Bouches-du-Rhône libère Hraïr Kilndjian, validant ainsi la justesse de ses revendications. Un verdict qui marque une première étape vers une reconnaissance du génocide, mais ne signe pas la fin d’un terrorisme arménien dont les dérives culminent avec l’attentat d’Orly qui fait huit morts en 1983 et brouille définitivement son image.
A l’occasion du 110ème anniversaire du génocide arménien, cet épisode inédit et oublié revient sur une tentation terroriste des enfants et petits-enfants des victimes pour la reconnaissance du génocide.
