
“Romance à Marseille” est un roman de Claude McKay. Publié à titre posthume en 2020, 87 ans après sa rédaction, il a été jugé trop transgressif pour son époque par ses éditeurs d’origine. Il s’agit du deuxième roman de McKay publié à titre posthume ces dernières années. Le roman relate l’histoire de Lafala, un marin noir devenu riche après avoir gagné un procès contre une compagnie maritime pour les mauvais traitements qu’il a subis en tant que passager clandestin. Il s’inspire en partie de l’histoire vraie de Nelson Simeon Dede, un marin nigérian que McKay avait rencontré à Marseille. Un passage du Vieux-Port porte à présent le nom de Claude McKay.
S’appuyant sur son deuxième roman, Banjo : Une histoire sans intrigue (1929), McKay commença à composer ce qui allait devenir Romance à Marseille en septembre 1929, l’intitulant initialement « La jungle et les bas-fonds ». Après des désaccords avec son agent et son éditeur, il mit le manuscrit de côté, avant de le reprendre en 1932 et de le rebaptiser « Amour sauvage ». Cependant, McKay abandonna finalement le projet en 1933, en pleine Grande Dépression, laissant l’œuvre dans sa forme la plus aboutie et sous son titre définitif, Romance à Marseille. Le roman a été publié à titre posthume en 2020 par Penguin, sous la direction de Gary Edward Holcomb et William J. Maxwell. Ils notent que « Romance n’est pas un texte perdu depuis longtemps et désormais retrouvé […] deux versions dactylographiées de Romance, corrigées à la main, ont été mises à la disposition des chercheurs. Une ébauche tronquée est conservée dans la collection de la bibliothèque de livres rares et de manuscrits Beinecke de l’université Yale, tandis que la version plus longue, complète et définitive se trouve au Centre Schomberg pour la recherche sur la culture noire à Harlem. » Néanmoins, l’importance du roman a certainement échappé à la plupart des critiques modernistes, ainsi qu’au monde de l’édition, et ces facteurs ont limité l’accès du public à l’œuvre pendant près d’un siècle.
Synopsis
L’histoire commence avec Lafala dans un hôpital new-yorkais, après l’amputation de ses jambes. On apprend qu’il est un marin originaire d’Afrique de l’Ouest anglaise, contraint de s’embarquer clandestinement sur un paquebot après avoir été volé par une prostituée nommée Aslima. Capturé par la compagnie maritime et emprisonné dans un bunker glacial (des toilettes), ses jambes sont gelées et doivent être amputées. Un avocat, ayant entendu parler de son histoire, l’encourage à poursuivre la compagnie pour mauvais traitements. Lafala obtient une somme considérable et devient riche. Il se procure des prothèses et retourne à Marseille.
À son retour, Lafala renoue avec Aslima malgré sa trahison. Il est désormais un riche mécène de la ville portuaire, mais sa liaison provoque des tensions entre Aslima et son souteneur, ainsi que de nouveaux démêlés avec les autorités. En quête de vengeance, la compagnie maritime s’allie à la police française pour faire emprisonner Lafala pour « trafic clandestin ». Libéré par la suite, Lafala devient cynique et décide de retourner dans son Afrique de l’Ouest natale. Bien qu’il invite d’abord Aslima à le rejoindre, il finit par la quitter. À la fin du roman, Aslima est tuée lors d’une rixe avec son souteneur jaloux : « Il lui tira les dernières balles, la maudissant et implorant l’enfer d’engloutir son âme. »
Thèmes
Passage Claude McKay sur le Vieux-Port de Marseille
Le roman explore le handicap, l’héritage de la diaspora noire et l’identité queer. Une grande partie du récit s’articule autour du handicap de Lafala et de la « victoire à la Pyrrhus » liée au procès : il retrouve une certaine intégrité grâce à la perte de ses membres, mais se demande si l’argent pourra jamais véritablement compenser son handicap. Par ailleurs, la déportation et les mauvais traitements infligés aux Noirs à travers l’Atlantique constituent un thème récurrent du roman, soulignant le spectre de la traite négrière dans la culture occidentale. Plusieurs personnages sont ouvertement queer, notamment Big Blonde, ce qui explique probablement pourquoi le texte a été jugé « trop transgressif » pour être publié dans les années 1930.
Le roman comporte également quelques sous-entendus antisémites, comme la représentation de l’avocat juif (un chasseur d’ambulances) : « Je ne suis pas là pour écouter vos leçons, Monsieur le Juif. Vous avez bien réussi à soutirer de l’argent à l’entreprise pour obtenir votre grosse part. »
Distinctions
Le livre a été qualifié de « meilleur nouveau roman » par Vulture en février 2020, nommé livre de la semaine par le New York Times et sélectionné par les éditeurs du NYT Book Review.


