
Sur le boulevard Eugène Pierre, aux numéros 1, 3 et 5, on peut apercevoir d’étranges statues et mentions gravées dans la pierre des frontons d’une des façades : “Tipe d’architecte, sachant tout faire même sans diplôme”, “Artiste statutaire…ayant rêvé de l’être”, “Artiste Célèbre – Artiste Inconnu”.

“Artiste statutaire, ayant rêvé de l’être”
Dominique Turcan, l’auteur, a exprimé ici avec beaucoup d’ironie des messages sur le statut de l’architecte et du sculpteur en exprimant une certaine rancœur sur la non-reconnaissance de sa profession de maçon, tailleur de pierre, alors que lui aussi sait bâtir des immeubles ! La preuve en est avec cette très belle réalisation de 1847. En décembre 1846, Dominique Turcan, entrepreneur-maçon et tailleur de pierre de Cucuron dans le Luberon, achète le terrain à l’angle des rues Eugène-Pierre et Devilliers pour y bâtir cinq maisons mitoyennes sur lesquelles il va délivrer grâce à son art de nombreuses petites piques.
Sur un des frontons apparaît l’architecte en buste : un homme chauve et barbu, veste, nœud-papillon, faux-col, sorte de portrait officiel.

L’architecte, par lui-même
Il est présenté comme « sachant tout faire même sans diplôme », c’est-à-dire sans formation, puisque l’école municipale de dessin qui comprend la classe d’architecture ne délivre aucun diplôme et n’a pas de cursus défini, obligatoire, mais décerne seulement des prix en fin d’année. La profession d’entrepreneur-maçon est en effet celle d’un artisan qui apprend son métier, son savoir-faire sur le tas, en concurrence avec les autres « architectes », diplômés, sortant de l’école. Turcan revendique son habileté de constructeur traditionnel. Autre message, la figure centrale d’une cariatide (statue de femme vêtue d’une longue tunique, soutenant un entablement) portant la peau du lion de Némée (créature fantastique tuée par Hercule) refuse de jouer son rôle et se croisant les bras. En dessous on retrouve une frise représentant L’Atelier de sculpture.

“Artiste Inconnu”
L’anarchie règne partout, mais cela ne semble guère émouvoir l’« artiste statuaire » ou plutôt « ayant rêvé de l’être », accoudé au fronton dans une attitude à la fois désinvoltete et rêveuse en train de fumer la pipe.
Ce commentaire souligne la précarité du statut de sculpteur-statuaire et représenterait une des revendications de Dominique Turcan qui n’a droit qu’au titre de tailleur de pierre et pas à celui d’architecte. Autre message, l’« artiste célèbre » et l’« artiste inconnu » ravalés au rang de petits singes savants, tradition iconographique de l’artiste qui imite au lieu d’inventer.
