Errance Project, fondé par l’artiste plasticien Liam Sy Paquemar et son collectif Unrevealed Artist, repose sur une rupture : celle d’un triptyque arrivé à bout de souffle — le huis clos entre galerie, collectionneur et musée. L’ambition d’Errance Project est de développer une nouvelle forme de production et un modèle inédit de redistribution, fondé sur un espace d’enrichissement mutuel — artistique, culturel et pécuniaire — qui n’associe plus l’événement à un simple service moyennant une participation financière. Après une première implantation éphémère au 11 bis rue Saint-Ferréol, un espace hybride (création / exposition / accueil) de 2 400 m² est annoncé dans le quartier de la Joliette pour octobre 2026 dans un site patrimonial remarquable de la ville, l’ancien comptoir Linier, dans lequel se trouve déjà l’imprimerie Tchikebe. La structure propose aux 5 artistes sélectionnés : un atelier personnel, un logement, une bourse de production (jusqu’à 50 000 €) pour un engagement d’environ 12 mois.
Le site avant travaux
Le socle du projet repose sur une idée fondamentale : cesser de percevoir l’artiste comme un simple producteur d’objets. Trop souvent, les acteurs du monde de l’art contemporain déterminent la valeur d’un artiste, sa renommée et sa cote à travers sa seule capacité à vendre des œuvres. Une litanie bien connue illustre cette dérive : « Il se présente comme artiste, mais en vit-il ? ». Une question en apparence anodine, mais qui sous-entend un postulat trompeur. Errance Project rejette cette vision mercantile et défend une approche plus organique, où l’art redevient un espace de partage et de rencontre. L’artiste n’est pas un simple producteur d’objets destinés à une vente unique pour un unique acquéreur, autrement dit, au « marché de l’art » en circuit fermé.
Depuis l’aube de l’humanité, l’enjeu majeur de l’art est de rassembler pour émouvoir, non pas un collectionneur isolé, mais le public dans toute sa diversité. Pourtant, une fois le vernissage passé, qui revient réellement voir l’exposition inaugurée ? De cette observation naît une conviction : l’œuvre se situe désormais entre l’intention de l’artiste et le regard du public, dans cet espace vivant où le vernissage devient, en soi, une œuvre partagée.
Dans les événements créés par Errance Project, les participants ne sont plus de simples visiteurs ni de potentiels collectionneurs. Ils deviennent acteurs et coproducteurs de moments vécus. Grâce à l’achat d’un ticket et à la signature d’un contrat d’indivision, chacun contribue au capital nécessaire à la production des œuvres, intégrant ainsi un modèle collectif, participatif et durable de création artistique.
La structure est installée à la Joliette dans un très bel entrepôt industriel avec poutres anciennes et ferronneries d’époque, vestiges de l’ancien “Comptoir Linier” dont le nom apparaît encore en façade dans la rue Duverger. On retrouve des traces de cette manufacture de filatures, filteries, retorderies, blanchiment, teintures et de tissages via des documents des années 30 évoquant son siège social à Paris ou encore dans le Nord de la France à Lille. Linlux était alors sa marque de linge de maison.
